Monsieur le président de l’exécutif,
La feuille de route que vous nous présentez est un document important, de part sa nature, son volume par rapport et les larges domaines qu’il couvre. Nous tenons à souligner le travail des services effectué . Nous en saluons la présentation et sa mise au débat, nous espérons que pour l’instant rien ne soit figé dans le marbre et que le rapport que présentera l’exécutif prendra en compte nos remarques voire nos propositions.
Ce document pose la problématique générale de ce que peut constituer une véritable politique culturelle dans un contexte bien spécifique qu’est celui de notre ile.
Vous connaissez notre attachement à ce dossier que nous concevons, pour notre part comme un champ à part dans l’action politique mais comme le socle commun qui doit diriger nos choix, nos propositions et nos actions dans toute les sphères .Elle est à l’intersection de l’économie ; du social et de l’environnemental. C’est un premier point que nous ne trouvons absolument pas dans vos écrits.
Comme vous le savez :La culture comprend trois grands groupes de manifestations : l’art, le langage, la technique.
La culture désigne tout comportement, habitude, savoir, système de sens appris par un individu (Le Wiktionnaire est un projet de dictionnaire libre et gratuit similaire à Wikipédia (tous deux sont soutenus par la fondation Wikimedia).), transmis socialement et non par héritage génétique de l’espèce à laquelle appartient cet individu. Si l’on peut retrouver cette définition dans vos intentions affichées , il n’en demeure pas moins que nous relevons une forte disparité entre le traitement accordé à la culture dite « universelle » et la Culture Corse largement mentionnée dans les enjeux et le diagnostic mais totalement minimisée dans les fiches actions du document.
La culture qualifiée d’Universelle est largement traitée. Nous retrouvons dans votre formulation un bon nombre de propositions et d’axes commun à ce qui est proposé dans d’autres régions. Les notions d’accessibilité pour tous, de large diffusion , de présence dans l’éducation et l’enseignement remportent l’adhésion de tous. Il n’y a aucun doute . Chacun de ces objectifs est décliné en fiche action, en investissement budgétisé, en poste de coordonateurs créés..
La difficulté pour nous est de composer entre l’universel et le particulier, non pas pour les opposer mais pour que chacun puisse se nourrir de l’autre.
Vous nous proposez une démarche dans laquelle la culture corse est considérée comme un élément de votre politique .Elément pour lequel d’ailleurs vous consentez à des efforts louables en matière de diffusion, de promotion et d’aide à la création. Mais nous croyons fortement que dans le contexte où nous vivons ,de perte d’identité, de suprématie d’un soi – disant universel dominant sur le particulier, qu’ il est nécessaire et vital de concevoir une véritable politique en terme de projet culturel, voire de projet de société.
S’il on veut comme vous l’annoncez page 3 du document « que la Culture soit ce qui donne du sens à la vie en Société, ce qui permet d’organiser une vision du monde qui nous est particulière et qui constitue notre identité », il est indispensable de hiérarchiser et de prioriser les objectifs et de mettre la promotion et la diffusion de notre culture au centre du projet culturel pour aller vers l’universel.
- 1. Ce projet doit un premier temps se baser sur une évaluation des politiques menées
Evaluation que nous avons tous votée dans une motion récente, mais dont nous n’avons ,à ce jour, aucune retombée concrète, si ce n’est peut – être la création d’un observatoire de la culture que vous nous proposez dont il faudra néanmoins attendre qu’il se mette en place avant de fournir ses premières expertises. Aujourd’hui nous avons un certain nombre d’interrogation : pourquoi les axes stratégiques de cette feuille de route ont été établis sans cohérence avec les différentes politiques menées, avec le schéma d’aménagement culturel et autres documents ?.. Comme vous le soulignez à maintes reprises la Culture relève de la compétence principale de la CTC. Nous avons le devoir dans ce cadre là d’évaluer nos politiques pour améliorer notre intervention. Et nous vous demandons donc que les décisions prises par l’Assemblée soient respectées.
Quels seront les indicateurs retenus pour une telle évaluation. A- t-on par exemple une idée précise de l’emploi généré par ou dans le secteur de la culture dans l’île. Dispose-t-on d’une évaluation des retombées des investissements effectués que ce soit dans la construction de structures, le financement de festivals, archéologie, tourisme patrimonial, guides touristiques, filières agroalimentaires traditionnelles…. on sait par ailleurs qu’il y a beaucoup d’interrogations concernant le décalage entre la capacité à investir dans des équipements culturels et la difficulté à financer les projets artistiques pour les faire vivre. Comment y remédier si nous n’avons pas un état des lieux précis ?
- La langue étant le noyau de notre culture, on ne peut structurer de projet culturel efficient en les dissociant.
Nous sommes résolument attachés au concept d’un seul service regroupant la langue, la culture et le patrimoine. Non pas pour faire du centralisme administratif mais parce que vous le savez très bien, les problématiques sont communes et intrinsèquement liées et leur résolution émanent souvent de la mise en synergie des différentes actions. Le morcellement de ces actions peut conduire à la prise en compte partielle des problèmes et à un traitement inefficace et inapproprié
Il faut redéfinir la relation langue/culture et créer la structure administrative, institutionnelle adaptée au projet culturel dans toute sa dimension.
- 3. La notion patrimoniale
Si la culture corse est présente dans chaque fiche par la déclaration d’intentions louables, on attend beaucoup plus en termes de réalisations concrètes. De façon ponctuelle et particulière nous déplorons par exemple l’absence de fiche sectorielle sur les arts et traditions populaire, la transmission des savoirs faire hors du champ patrimonial.
Le patrimoine immatériel est réduit à une mention ,anecdotique, confidentielle, alors que sa réelle prise en compte en vue de sa connaissance dans un premier temps et de sa diffusion dans un second temps constituerait l’avancée la plus importante en matière culturelle depuis des décennies et l’objectif de « production de patrimoine culturel » prendrait toute sa dimension.
Le patrimoine culturel ne se limite pas à ses seules manifestations tangibles, comme les monuments et les objets qui ont été préservés à travers le temps. Il embrasse aussi les expressions vivantes, les traditions que d’innombrables groupes et communautés du monde entier ont reçues de leurs ancêtres et transmettent à leurs descendants, souvent oralement. La société corse en perte de repères est complètement atomisée. Le patrimoine culturel est ce qui crée le lien social entre les individus. Ce qui permet la reconnaissance de l’un et l’autre d’un certain nombre de repères communs. Il est vital aujourd’hui de lui accorder dans une politique culturelle publique, une place à la hauteur de l’importance qu’il a dans une société. Aujourd’hui il se délite, tous les jours nous en perdons des pans entiers. Il ne s’agit pas ici d’avoir une vision passéiste, folklorique de la culture, pour augmenter par exemple l’attractivité touristique de l’île, mais de promouvoir les éléments du passé ceux qui ont permis de vivre en une certaine harmonie, pour construire le lien social de demain. Non pas pour se replier sur soi même mais pour mieux aller vers l’universel. Le processus doit être inversé pour ne pas aller que du présent vers le passé mais du passé vers le futur et de prioriser ceux qui vont recevoir ce patrimoine. En effet si on « hérite » de facto parce qu’on est descendant d’une lignée, on se sent dépositaire que parce qu’on est conscient de ce qui a été donné. Nous devons donc travailler sur cette conscientisation de la valeur du patrimoine et sur son potentiel de plus-value économique.
De nos jours nul n’ignore le lien fondateur entre le patrimoine et le développement local. Les Corses dans leur rapport au territoire ont développé un certain nombre de savoir, d’usage et de pratique qui permettront certainement à la Corse de concevoir une politique de développement qui conciliera la Mémoire et le Projet.
Par exemple pour illustrer nos divergences de point vue : Si un réel effort est consacré aux Musées ce qui est tout à fait cohérent, nous déplorons l’absence totale de référence à la notion d’éco-musée qui vise avant tout à valoriser le patrimoine matériel (outils, habitat…) et immatériel (savoir-faire, métier…) d’un territoire et d’une population. Outils interdisciplinaires de conservation et de transmission de la mémoire, les écomusées prennent également une part active à la vie de la société en cherchant le débat et la confrontation des points de vue. La participation de la population est un de leurs principes fondateurs
Nous sommes très attachés au concept d’économie identitaire, qui comme vous le savez est né d’une réflexion au sein du CESC. Aucune allusion n’est faite à ce sujet d’une importance extrême. La culture corse s’est construite sur le socle de la terre. La gestion des ressources naturelles est une activité culturelle. C’est pourquoi nous demandons également que la référence à la culture soit introduite dans la réflexion sur le PADDUC en terme d’aménagement du territoire et de développement économique.
Pour résumer notre propos:.
Pour le groupe Femu a Corsica vous voyez bien M. le Président que nous avons une position politique très différente de celle que vous nous proposez. Nous sommes résolument pour la conception d ’un véritable projet culturel basé sur une évaluation des politiques appliquées intégrant le projet linguistique dans toute sa dimension. Un projet qui comporte bien entendu la promotion et la diffusion de la culture comme vous l’avez décliné dans votre document mais qui s’oriente de façon courageuse vers la prise en compte effective, conséquente, en terme d’axes, d’objectifs, d’actions et de budget de notre patrimoine culturel matériel et immatériel.
Nous militons donc pour une politique engagée fortement en terme de ‘production de patrimoine culturel » qui s’accompagnera forcément de l’élaboration d’un projet de territoire. Les actions de recherche, collecte, la conservation, la formation, et la valorisation sont autant d’axes à développer pour construire cette politique qui pourra garantir un développement harmonieux et durable, d’un épanouissement individuel vers la constitution d’un socle commun indispensable à un « vivre ensemble » différent d’une co-habitation.
Aujourd’hui le tout est de savoir si cette conception de Projet culturel irrigant le projet politique sera prise en compte et d’en déterminer les modalités ou si nous devons considérer que le document présenté n’est pas amendable sur le fond mais uniquement sur les actions proposées?
. Aurons – nous droit à un copier /coller du document ou cette présentation que vous faites aujourd’hui peut être considérée comme l’ouverture d’un chantier ? si c’est la deuxième solution qui est retenue, il est indispensable que les acteurs du terrain soient consultés dans la forme la plus large de leur représentativité qui dépasse le cadre des 6 représentants au CESC.
Nous avions également voté la création d’une structure de concertation du monde culturel. Nous estimons, aujourd’hui qu’elle est d’une nécessité incontestable si on veut créer les conditions de l’adhésion de tous et de fédérer au lieu de diviser un monde culturel très fragilisé par les conditions d’attribution des aides.
FEMU A CORSICA (source site inseme per à Corsica)
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