Dans la dernière livraison de ce Forum, Dominique Taddei consacre un article à la parité, à travers la réforme des institutions locales ; on ne présente plus l’homme : socialiste éminent, universitaire, économiste, humaniste, il vit à Munticellu où il fait bénéficier la Corse de sa grande expérience ; il milite activement au sein d’une institution locale, relativement récente dont la qualité se confirme : le Forum des Citoyens Actifs de Balagne – FCAB- ; centré sur la micro-région, le Forum réfléchit, débat, propose, anime ; une initiative à approfondir, à répéter dans toute la Corses et la diaspora ; demain, l’échange et la coordination entre les initiatives locales pourraient être les socles de cette démocratie authentique, participative, solidaire dont notre peuple a un besoin vital pour façonner un futur prospère, plus équitable et enfin apaisé. (source blog Edmond Simeoni)
Tribune libre de Dominique Taddei
Le constat : le viol de la paritéLes Balanines et les balanins ont voté dans les deux cantons renouvelables de notre petite région. Mais à vrai dire, ils n’avaient pas le choix : comme à la vieille époque, 6 candidats sur 6 étaient des hommes, toutes tendances confondues. Et 6 fois sur 6, puisque la loi l’impose, une femme, pour la plupart de qualité, était chargée de faire la suppléante, comme un reflet symbolique de la « répartition » du travail domestique dans la plupart des ménages.Les Balanins sont-ils particulièrement archaïques dans ce qui est manifestement un viol de l’esprit de la Constitution, qui impose désormais la parité dans l’ensemble des institutions représentatives ? Point du tout, le même constat de machisme décidément incurable, se retrouve dans tout le département de la Haute Corse. Même quand on semble tenir l’exception (dans le canton de Bastia III, 3 femmes étaient candidates titulaires), il confirme manifestement la règle, puisque aucune d’entre elles n’était manifestement en position d’être élue. On continuera donc à avoir 30 hommes sur 30, et par conséquent aucune femme siégeant au Conseil général de Haute Corse, comme c’était déjà le cas dans la mandature précédente !Et la lumière qui nous vient de la Corse du sud est bien timide avec, à Bonifacio, une deuxième élue, qui a d’autant plus de mérite que, là encore, il n’y avait presque aucune candidate titulaire : au total, moins de 7% de candidates pour l’ensemble de l’île, avec à l’arrivée 4% d’élues.Ce constat accablant ne concerne pas seulement le respect de la Constitution et l’éthique civique de notre temps, de plus en plus partagée dans toute l’Europe et en France même, il est un terrible révélateur de l’arriération de la société corse et des élus qu’elle se voit proposer par les appareils politique de tout bord. Pour le montrer, il suffit de partir de deux constats : le premier est celui que nous vivrons de plus en plus dans une société de la connaissance, où la capacité intellectuelle l’emportera de plus en plus sur la force physique, ce qui devrait être considéré par tout le monde comme une bonne nouvelle ; le second constat est qu’en Corse, comme partout ailleurs, les résultats scolaires et universitaires des jeunes filles l’emportent de plus en plus nettement sur les garçons de leur génération.Il suffit d’énoncer le lien logique entre ces deux observations incontestables : à continuer dans la voie de ce machisme archaïque, la représentation politique de nos département ne pourra nous préparer qu’une société de l’ignorance ! Le remède : une nouvelle loi électoraleOn sait, depuis au moins quelques années, que ce machisme ne disparaît pas par les vertus miraculeuses de la seule persuasion à l’égard des hommes en place, mais qu’il nécessite de légiférer pour imposer la parité. Mais, on doit aussi constater que les amendements au scrutin uninominal ne permettent jamais de résoudre la question : ni quand, au niveau national, on prétend imposer un malus financier ; ni, on vient de le voir au plan départemental, quand on prétend afficher des pseudo-couples, où on ne sait que trop qui est chargé de la décoration… Par contre, à chaque fois que la règle est celle du scrutin de liste, qu’il s’agisse des municipales, des régionales ou territoriales, ou des européennes, la parité est à peu près respectée et des femmes, souvent remarquables, émergent dans la vie publique.Face à ce constat indéniable, le projet de réforme des collectivités territoriales, quoiqu’on pense de ses autres dispositions, nous menace, particulièrement en Corse, d’une formidable régression : avec l’adoption proposée par le Gouvernement d’une élection au scrutin uninominal des futurs élus territoriaux, la principale collectivité de Corse risque de passer d’une représentation féminine de 50 %, à 0%, à l’instar de l’actuel département de Haute Corse. Il est donc impératif d’interpeller l’ensemble des actuels conseillers territoriaux, qui vont être consultés sur cette réforme, afin qu’ils soient aussi unanimes que possible à réclamer un scrutin de liste respectueux de la parité.On sait qu’il existe deux objections sérieuses au choix de ce mode de scrutin et, par voie de conséquence, à son extension aux départements, puisque le projet prévoir de confondre les deux scrutins, mais on peut y répondre raisonnablement :- Le scrutin de liste risquerait de faire disparaître la représentation spécifique des territoires particuliers, et centraliser le pouvoir de désignation des candidats à Ajaccio et Bastia. Mais, outre le fait, qu’en tout état de cause, le projet actuel supprime l’actuel découpage cantonnal, qui devient inévitablement de plus en plus artificiel, en ville notamment, pourquoi ne pas choisir un découpage de circonscriptions, représentatif des 8 grands territoires, parmi lesquels la Balagne, dont on s’accorde généralement à reconnaître qu’il représente la Corse actuelle et de demain ?- La seconde inquiétude serait celle d’une application de la proportionnelle intégrale, dont on sait, en effet, qu’elle peut engendrer une instabilité délétère des futurs exécutifs. Mais rien n’interdit d’additionner les voix obtenues par les différentes formations politiques dans les 8 circonscriptions proposées et d’accorder au parti ayant obtenu le total le plus élevé la prime d’environ 12% retenue dans la législation actuelle.Ainsi débarrassée de ces deux principales objections, le choix d’un scrutin de liste à l’encontre d’un scrutin uninominal, marquera la véritable préférence des élu(e)s en place : la perpétuation de notre machisme archaïque ou l’acceptation de la modernité qui passe inévitablement par le respect de la parité entre les femmes et les hommes de cette île.
Domi Taddei
Site du forum :http://fcabalagne.wordpress.com/
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