Voilà plusieurs années qu’ETA n’a plus commis d’action violente ; bientôt 15 mois que l’organisation armée a décrété un cessez-le-feu définitif scrupuleusement respecté par la structure et ses militants. Les souhaits à cette époque des Etats ibérique et français ont été exaucés.
ETA a suivi la vox populi qui était « fatigué » du climat de violence des 50 dernières années. Apparemment, même une partie de ses soutiens de toujours ont cédé pour demander « la paix civile ». Effets de la société de consommation ? du bien-être matériel ? déliquescence de l’esprit de résistance à l’oppresseur ? Acte de foi envers la démocratie représentative bourgeoise ?… ou tout cela à la fois ?
Quel bilan provisoire peut-on tirer de ces années de « paix civile » ?
* Sur le plan économique, un démantèlement accéléré de l’économie du fait de la « crise mondiale ». Etrange tout de même, parce qu’en Amérique, les pays ayant porté au pouvoir des dirigeants progressistes voient leurs économies progresser de façon assez remarquable : Ecuador, Bolivia, Venezuela… de 2 à 5%.
Chez nous, à en Iparralde, en Hegoalde et en Navarre, le taux de chômage s’accélère et on nous prédit une année 2013 difficile !
* Sur le plan social, au-delà de la crise économique, les manifestations se multiplient en faveur des prisonniers, de la libération de certains, du rapprochement de tous. A part celle d’Aurore Martin, aucune autre libération « normale », sans condition ; par contre, les arrestations et les emprisonnements se sont multipliés. Certains ont été « rappelés » après leur libération !! Avec, encore et toujours, quelques cas de tortures comme au bon vieux temps !
* Sur le plan politique, il y a sans doute du positif et mais surtout (subjectif ?) du négatif.
Dans le positif :
– l’incroyable percée de EH Bildu au parlement de la CAB.
– la quasi-unanimité des élus « d’Iparralde » pour proposer une Collectivité territoriale à statut particulier
– l’ « Union sacrée » autour d’Aurore Martin, victime de l’infamie que l’on sait. (Dommage qu’il n’en soit pas de même dans les autres cas)
– les prises de position des élus locaux des partis français, en opposition avec les appareils parisiens ; souhaitons qu’ils ne reprennent pas à leur compte la loi physique d’Edgar Faure qui disait (avec son cheveu sur la langue) « ce n’est pas la zirouette qui tourne, c’est le vent qui sange »
– en « Iparralde », les retrouvailles des abertzale de gauche pour un travail en commun
– Udalbiltza est en train de renaître. (Espérons que tous nos élus prennent enfin conscience de son importance et de l’importance d’y participer activement)
Dans le négatif :
– le numéro (habituel) de contorsionniste du PNV qui veut garder son électorat (abertzale ou pas) tout en continuant à murmurer à l’oreille des ânes de Madrid sans renoncer à ses négoces lucratifs.
– l’absence du PNV, en tant que parti, au Forum pour la Paix. (La présence d’un ou autre cadre dans le public ne cache pas l’essentiel) et aux manifestations monstres en faveur des prisonniers
– l’aveu d’impuissance des élus locaux des partis français lors de ce même forum : « Nous ne pouvons rien changer à nous seuls » et d’appeler la communauté internationale au secours. (Pourquoi restent-ils donc dans cette galère ? Pour changer les choses de l’intérieur, disent-ils, aussitôt après avoir avoué qu’ils ne peuvent rien changer seuls !!! )
– le mépris hautain et l’arrogance extrême affichés par les deux gouvernements à travers leurs ministres de l’Intérieur respectifs. Pas la moindre avancée ni même un geste en ce qui concerne la territorialité, les prisonniers, les droits de l’homme, la politique linguistique. Bien au contraire, il y a même eu un ministre espagnol disant vouloir espagnoliser « l’Espagne » toute entière !! (entendez la Catalogne, Euskal Herria et la Galice récalcitrantes)
– face à cette inertie (un euphémisme pour ne pas dire autisme, par respect pour les gens qui en souffrent) l’absence totale d’initiative strictement politique de la part des organisations d’Iparralde ; aucun signe de rébellion administrative, aucune amorce de désobéissance civile… (on fait le dos rond et on attend que ça passe ?)
– l’activisme criminel des associations franquistes qui portent plainte pour un oui ou pour un non contre tous les militants basques qui leur passent à portée. (Eux ont davantage d’écoute que les dénonciations pour tortures)
– le maintien des lois, des tribunaux spéciaux et autres traitements d’exception contre les détenus et les prisonniers basques, en France comme en Espagne.
– la continuité de la désinformation en Espagne et de l’absence d’information en France sur ce qui se passe en Euskal Herria ; à titre d’exemple, la gigantesque manifestation du 12 janvier à Bilbao a été totalement zappée par les medias français. Et ne croyez pas que ce fut à cause de la manifestation réactionnaire contre le mariage pour tous. C’est une ligne éditoriale constante de la Presse nationale française : ce dont on ne parle pas n’existe pas.
ETA a exaucé les vœux de l’époque émis par les Etats mais, désormais, es derniers en veulent davantage. Ils exigent qu’ETA rende les armes et se dissolve. Vu les signaux encourageants que nous envoient Paris et Madrid, serait-ce bien raisonnable ?
En résumé, l’Etat français et l’Etat espagnol sont empêtrés dans une crise qu’ils ont contribuée à fomenter (Qui a laissé le pouvoir à la finance internationale au détriment de toute souveraineté ?).
Le silence des armes (celles d’ETA, seulement) leur assure une totale impunité dans le massacre humain et économique des exploités. Doublement opprimés, comme travailleurs et comme Peuple, les Basques en oublieront-ils leurs revendications abertzale, immergés dans leurs problèmes économiques ? that is the question… espérons que nous ne perdrons jamais de vue que les deux oppressions vont toujours de pair.
Certains assurent que Euskal Herria est en train de remporter une importante victoire politique. Espérons que ce ne soit pas simplement symbolique ou – et ce serait bien pire ! – une victoire à la Pyrrhus.
Quo vadis, Euskal Herria ? Où vas-tu, Euskal Herria ?
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