Le ministère du développement durable ne voit pas “où se situe le problème, l’intéressé étant très actif et compétent dans son domaine”. Aussi, si “l’intéressé” consent à la recevoir, Gérard Romiti, 57 ans, pourrait bien épingler la rosette à sa marinière lors de la prochaine procession du Cristu neru, le “Christ noir” que les pêcheurs de Bastia portent en vénération dans la vieille ville tous les trois ans.
Mais acceptera-t-il ?
Car Gérard Romiti n’est pas seulement le dynamique président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, qui défend les intérêts de quelque 21 000marins pêcheurs français depuis avril 2012. Il fut également une figure de l’indépendantisme corse, ancien conseiller territorial à l’Assemblée de Corse de 1999 à 2004 et ex-conseiller municipal à Bastia. D’où l’interrogation perfide de ses amis politiques : peut-il dès lors consentir à être élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur, sans doute la plus symbolique des distinctions décernées par la République, et qui plus est sur proposition directe de Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche et, à ce titre, éminent représentant de l’Etat autrefois honni ?
Depuis Copenhague où il se trouve en vacances, impossible de savoir si M. Romiti a tranché : son portable ne répond plus. Pressés de désamorcer la polémique naissante, ses soutiens du monde de la pêche mettent en avant “sa retraite politique depuis plusieurs années” et célèbrent les qualités qui lui valent d’incontestables louanges en France et à l’étranger : “sa rigueur, son extrême implication et un parcours professionnel remarquable” remontant à l’époque où ce fils et petit-fils de pêcheurs de Porticciolu, un minuscule village du Cap Corse, innovait en pêchant la langoustine grâce à du matériel de pointe “respectueux de l’environnement”.
Peu sensibles à ces témoignages, ses compagnons de route indépendantistes s’inquiètent plutôt de voir l’un des leurs accepter le ruban rouge. Ainsi de Jean-Guy Talamoni, chef de file de la mouvance indépendantiste à l’Assemblée de Corse et ami proche de M. Romiti, partagé de son propre aveu entre hilarité et consternation: dans un billet publié sur les réseaux sociaux, l’élu suggère à “Gérard”, non “de refuser avec hauteur ou arrogance mais simplement de répondre qu’il lui est impossible d’accepter cette décoration tant que durera le conflit entre la Corse et Paris”.
Ces amicales recommandations arrivent cependant avec une décoration de retard : à la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur, on indique que l’éventuel futur récipiendaire “est, du reste, déjà chevalier dans l’ordre national du Mérite”. Une distinction discrètement attribuée – et tout aussi furtivement acceptée – le 30 janvier 2008.
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques
Vous aimez cet article ? Faîtes-en profiter vos amis !
Faites passer l’information autours de vous en cliquant sur :
Comments are closed.