Le Mercredi 31 octobre 2012 [17h55] (www.unita-naziunale.org) : L’onde de choc provoquée par le meurtre d’Antoine Sollacaro est considérable. Toute la presse européenne s’est interrogée à travers sa mort sur « l’énigme corse », que chacun ressent comme politique, mais qui s’écrit dans le sang des faits divers. Le gouvernement Ayrault annonce « dix mesures » pour enrayer la violence sur l’île, et la venue des ministres s’intensifie en attendant dans quelques jours la visite conjointe de Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur,et Christiane Taubira, Ministre de la Justice. Un climat de type « post-Erignac » s’installe. Connaîtra-t-il les mêmes vicissitudes ?
La pression de l’actualité est souvent mauvaise conseillère pour les gouvernements. Surtout que ce gouvernement Ayrault traverse des turbulences importantes, inhabituelles après seulement quatre mois de plein exercice, depuis que la gauche est majoritaire au Parlement. Mais la crise économique est en phase aiguë, avec une progression alarmante du chômage qui déstabilise la société et décridibilise l’action gouvernementale. La polémique sur le traité européen n’a rien arrangé, pas plus que les passes d’armes en cours avec les écologistes ou les communistes autour de dossiers emblématiques. Et voilà que la Corse s’invite bien malgré elle sous les feux de l’actualité, alors même que l’Assemblée de Corse prépare dans la discrétion et le consensus les bases d’un débat d’avenir.
Les signaux sont contradictoires. D’un côté la prorogation de la période d’exemption des droits de succession découlant des Arrêtés Miot a été votée via l’adoption d’un amendement parlementaire au budget 2013. C’était un des deux « dossiers chauds » que nous avions pointés au moment de la prise de fonction de François Hollande, avec celui de l’approvisionnement énergétique futur des centrales électriques de Corse. Mais cette adoption s’est faite de façon plus que discrète, et le gouvernement a soigneusement évité de se mettre en avant, le ministre du budget « s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée », façon de dire sa propre réserve. On ne sait donc si cette adoption est le signe d’une approche positive des réponses à apporter aux attentes de la Corse, ou s’il n’est qu’une simple prudence vu le climat plombé du dossier corse en général, la question étant particulièrement sensible localement, comme l’a montré la polémique lancée par Camille de Rocca Serra contre Paul Giacobbi, auteur de l’amendement parlementaire.
Du côté des visites ministérielles, c’est le même topo. Acculés par les très fortes tensions sur l’île, qui appellent à une prise responsabilité rapide, les ministres font de la présence, mais peu de « politiquement utile ». Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, apporte son soutien au Padduc qui prévoit de préserver les surfaces agricoles de la Corse et assure négocier à Bruxelles en faveur d’une PAC répondant mieux aux besoins de l’île. Mais il ne dit rien de l’avenir institutionnel de la Corse. Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation, déclare vouloir « prendre en compte la diversité des territoires » mais n’annonce strictement rien de concret, et surtout pas une novation constitutionnelle, alors que cette demande fait consensus en Corse. Elle esquive le débat en prétextant l’absence pour l’instant d’un document formel de l’Assemblée de Corse, alors qu’en réalité elle est paralysée par l’indécision au plus haut niveau.
Les discours sécuritaires tiennent lieu de ligne politique pour certains. C’est bien sûr le cas de Nicolas Alfonsi qui a aligné au Sénat face à Manuel Valls tous ses poncifs jacobins pour rejeter la volonté de réforme de la majorité actuelle de l’Assemblée de Corse. Le Ministre de l’Intérieur n’a rien trouvé à lui objecter, ce qui est mauvais signe côté gouvernement. Mais que Nicolas Alfonsi ait jugé bon de « faire son cinéma » montre aussi que la construction pragmatique en cours côté CTC avance beaucoup trop loin à son goût.
Bref, les choses apparaissent incertaines à tous, tenants du statu quo comme partisans de la réforme. Le nouveau pouvoir avait choisi d’attendre, mais le voilà rattrapé par l’urgence de l’actualité corse. Rapidement, il devra abattre de nouvelles cartes pour répondre au défi lancé par les assassins d’Antoine Sollacaro et par tous les protagonistes des conflits sanglants en Corse, un nouveau meurtre ayant été perpétré dans le Valincu. Il devra aussi se prononcer sur les propositions qui seront avancées par l’Assemblée de Corse, avec le risque d’une polémique virulente avec un camp jacobin toujours aussi présent au sein de la gauche française. Ce dernier, Chevènement en tête et médias largement déployés, utilise le climat délétère que la violence de droit commun a créé sur l’île. Ils profèrent leurs incantations national-étatiques à tue-tête, en espérant ainsi étouffer à Paris le souffle porté par les consensus démocratiques qui progressent sur l’île.
Nous voilà donc soumis à une rude épreuve politique du fait de la montée d’une délinquance de droit commun qui pourrait bien parasiter tout le débat sur l’avenir de la Corse.
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