La Corse se trouve indéniablement confrontée à un vieillissement constant de sa population. De fait en 2040, une personne sur trois aura plus de 60 ans. Parallèlement le taux de pauvreté des 65 ans et plus est de 15,6% dans l’île, soit plus du double du niveau national (7,5%) Le taux d’allocataires ASPA (l’allocation de solidarité aux personnes âgées), allocation unique qui remplace depuis 2007 le revenu minimal de vieillesse, est de 22,7% en Corse contre 5,3% au niveau national.
Ces chiffres sont effectivement alarmants et appellent la nécessité de prendre en compte rapidement le problème de la précarisation grandissante de nos aînés. En outre, une enquête INSEE de 2010 confirme la cherté de la vie dans l’île : 1,5% d’écart de prix constaté entre la Corse et le continent pour un panier de consommation identique, sachant que l’écart de prix s’élève à 8,5% pour le seul poste alimentaire. La cherté de la vie avérée en Corse ne fait donc qu’accentuer le phénomène de précarisation . S’agissant de la problématique des transports sur laquelle vous m’interrogez et qui constitue l’un des éléments de la cherté de la vie, les retraités font déjà l’objet de tarifs préférentiels. Ils bénéficient sur le ferroviaire de 50% en tant que « résidents séniors ».
Dans le maritime, les personnes âgées de plus de 60 ans bénéficient d’une réduction d’au moins 25% sans restriction jusqu’à la dernière place disponible. De plus, pour les résidents corses la réduction est portée à 40%. Ces dispositions issues de la convention de délégation de service public peuvent être renforcées par la politique commerciale des différentes compagnies. Dans le domaine aérien, le tarif résident est porté à 156 € sur Paris, 92 € sur Nice et 98 € sur Marseille.
Les deux derniers tarifs sont effectifs dès publication au JO UE. Toutes les personnes âgées peuvent bénéficier de ces tarifs alors que le plein tarif varie entre 238 et 432 € en fonction des périodes et des destinations. Là aussi, la politique commerciale des compagnies permet d’obtenir des tarifs plus intéressants. S’agissant de l’instauration d’une compensation vie chère en faveur des retraités, une motion demandant au gouvernement « de prendre les dispositions permettant aux retraités des secteurs privés et publics résidant en Corse de bénéficier d’une allocation compensatoire d’insularité » n’a, pour l’heure pas été suivi d’effets.
La problématique de la vie chère, parce qu’elle est partagée par l’ensemble de la population insulaire et qu’elle touche de façon encore plus criante les franges de la population la plus vulnérables, se trouve de fait au centre des préoccupations de la Collectivité Territoriale de Corse. Mais ce public ne se limite malheureusement pas qu’aux petits retraités des secteurs publics et privés puisqu’il s’étend également aux jeunes en difficulté d’insertion professionnelle et de plus en plus aux travailleurs pauvres qui survivent du fruit de leur travail.
C’est pourquoi, la création prochaine initiée par l’Exécutif d’une Mission Régionale d’Information sur la précarité et l’exclusion sociale, outil mutualisé (Etat- CTC- Conseils Généraux- Ville..) d’aide à la réflexion et à l’action, a vocation à élaborer des solutions communes permettant d’apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les publics les plus précarisés auxquels les petits retraités appartiennent. Les réponses à apporter doivent s’adresser à l’ensemble de ces publics vulnérables pour ne pas risquer de générer, par un traitement partiel, une discrimination sociale encore plus importante que celle qu’elle est censée enrayer. Ainsi, la construction d’un observatoire économique régional disposant d’un volet consacré aux prix et aux revenus doit contribuer à faire émerger des acteurs économiques des réponses précises à la suite d’une analyse approfondie du phénomène de formation des prix.
Par ailleurs, s’il est nécessaire d’avoir une approche globale compte tenu de l’appauvrissement généralisé qui s’étend à des catégories de population jusqu’alors épargnées, le traitement de la précarité ne saurait trouver une réponse dans la seule instauration d’une indemnité compensatoire à la vie chère mais plutôt prévoir une action ciblée sur tous les vecteurs de la précarité : cherté de la vie comme bien sûr, mais aussi logement au travers des assises du foncier et du logement destinées à dégager des pistes d’action en matière d’immobilier et d’accession à la propriété, santé au travers de l’élaboration du Programme Régional pour l’accès à la prévention et aux soins des plus démunis ( PRAPS) qui constitue une déclinaison opérationnelle du Projet Régional de santé auquel participe activement la Collectivité Territoriale. Il s’agit de permettre à chaque citoyen d’accéder à un logement décent.
Il nous faut également revoir l’aménagement territorial de l’offre de soins afin de garantir aux personnes âgées, comme à toutes les populations fragilisées, un accès à des soins de qualité en tous points du territoire régional. Il est essentiel par exemple de proposer plus de centres médicaux et d’établissements médicalisés (EPHAD, résidences sociales …) en milieu rural. Nous devons également travailler au développement de l’aide à domicile pour permettre à nos aînés de garder leur spécificité de maintien dans leurs familles (90% de maintien à domicile en Corse contre 60% sur le continent).
Une indemnité compensatoire de la vie chère n’a ainsi de sens que si elle est conjuguée à des efforts sur les principaux facteurs de l’exclusion sociale. Il appartient à notre Assemblée de réfléchir, si elle le souhaite, à la forme que pourrait prendre une indemnité versée aux personnes les plus précaires sur des critères à déterminer, à l’instar du dispositif existant pour les chômeurs. En tout état de cause, les solutions à trouver se doivent de rechercher un équilibre entre la raréfaction des fonds publics et le devoir d’agir sur tous les leviers susceptibles d’améliorer le niveau et les conditions de vie des habitants les plus fragilisés. Je vous remercie.
Réponse de Paul Giacobbi, Président du Conseil Exécutif de Corse
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