Les accusés se défendent depuis le début du procès d’avoir « voulu tuer ». Hier, ils ont reçu une aide inattendue. « Dans cette affaire, je suis convaincu que seuls les bâtiments étaient visés, pas les CRS ». Thomas Lessard, 30 ans, gardien de la paix au crâne rasé et aux larges épaules de nageurs, termine son audition sur ces mots.
Dans le box, les huit accusés se regardent. Médusés un bref instant, avant d’échanger des sourires. Ils ne s’attendaient pas à un tel renfort. Quand le CRS de Vélizy va s’asseoir dans la salle, pour assister à la suite des auditions de témoins sur le mitraillage des bâtiments modulaires du tribunal de grande instance d’Ajaccio dans la nuit du 14 au 15 novembre 2007, certains des détenus le regardent, comme pour lui dire merci.
Il reste impassible. L’avocat général, Olivier Bray, fait de même.
« Nous n’étions pas à l’abri »
Depuis le début du procès, chaque jour, la cour d’assises spéciale et le parquet ne manquent pas d’interroger les accusés sur les risques que leurs actions faisaient peser sur les vies humaines. Cette nuit-là, au TGI, cinq CRS étaient en faction.
Tous n’ont pas le même ressenti. Deux d’entre eux ont décidé de se porter partie civile et de demander des dommages et intérêts. « Un quart d’heure avant le « rafalage », un magistrat était dans son bureau. On y a retrouvé des balles. Nous n’étions donc pas à l’abri », insiste le CRS Gilles Le Guénan. Frédéric Le Stang affirme, lui, avoir craint pour sa vie quand en poursuivant le véhicule il dut « faire stop » en raison des fumigènes lancés par les trois fuyards, Anthony Rossi, Jean-Marie Pittiloni et Anthony Païs. En réponse à une question de Me Eric Barbolosi, il précise : « Quand ils ont tiré sur l’Urssaf (ndlr : juste après avoir touché le TGI), j’ai pensé que nous étions pris pour cible ».
« Je ne voulais pas tuer qui que ce soit »
Dans la matinée, la cour avait approfondi l’échec de la tentative de mitraillage des douanes le 4 octobre et sa réussite le lendemain. Jean-Marie Pittiloni tenait la kalachnikov. « À l’époque je n’avais pas la même conscience de la vie humaine qu’aujourd’hui. Rien ne m’arrêtait, concède-t-il avant de nuancer : mais je ne voulais pas tuer qui que ce soit. »
Alors, bien sûr, Olivier Bray ne se satisfait pas de ces réponses. Il tente de démontrer que le mitraillage des douanes aurait pu faire des victimes. D’abord parce que les vitres du premier étage ont été brisées par des balles. Depuis cet attentat, elles ont été blindées comme celles du rez-de-chaussée, qui l’étaient déjà. Ensuite parce qu’à 0 h 50 dans la rue des Cigales, une voiture des douanes est rentrée de patrouille deux ou trois minutes plus tard. Que se serait-il passé si elle était tombée nez à nez avec celle d’Anthony Païs (au volant) et Jean-Marie Pittiloni (kalachnikov à la main), le jeune homme qui, à l’époque, avait faim d’action ?
DOSSIER PROCES DU 4 JUIN SUR CORSICA INFURMAZIONE
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