Vingt ans après la catastrophe de Furiani, ses 18 morts et plus de 2.000 blessés qui ont traumatisé la Corse et le monde du football, le souvenir reste douloureux pour les victimes et leurs proches qui refusent l’oubli et sont choqués par l’interminable saga de la reconstruction du stade.
Ecoeurés par “la course au fric” et l’irresponsabilité qui provoquèrent la tragédie du 5 mai 1992, les victimes réclament encore l’application d’une promesse officielle de ne plus disputer de match professionnel un 5 mai.
Leur amertume est amplifiée par l’état du stade Armand-Cesari, dans lequel des dizaines de millions d’euros ont été engloutis depuis vingt ans et dont la rénovation n’est toujours pas achevée.
C’est pourtant dans cette enceinte enclavée et dont certaines parties reconstruites sont en piteux état qu’évolue toujours le Sporting Club de Bastia, véritable locomotive du sport corse. C’est là que mardi soir le SCB a gagné le droit de retrouver la Ligue 1 en s’assurant le titre de champion de Ligue 2 via une victoire 3-0 contre Metz.
Vigie de la mémoire, une stèle portant les noms des 18 morts a été érigée à l’entrée du stade.
Le 5 mai 1992, quelques minutes avant le coup d’envoi de la demi-finale de Coupe de France opposant le SCB à l’Olympique de Marseille, dans le stade chauffé à blanc, une tribune métallique géante de 10.000 places s’effondrait comme un château de cartes.
“En quelques secondes la fête a basculé dans l’horreur” et “le stade en liesse est devenu un champ de bataille”, témoignent des survivants de cette “première catastrophe du foot business”, selon les mots de l’actuel président de la Ligue corse de football, Marc Riolacci.
Les joueurs seront les premiers à porter secours aux victimes enchevêtrées dans l’amas de tubes et de poutrelles métalliques de la tribune Nord. Toute la nuit, une noria d’hélicoptères se posant sur la pelouse emportera les blessés et les morts.
Tous avaient été pris au piège d’une tribune montée à la hâte pour augmenter la capacité du vétuste stade de Furiani, une commune du sud de Bastia. L’échaffaudage, haut d’une vingtaine de mètres, fut édifié en une semaine à la demande de la direction du SCB.
L’enquête révélera des malfaçons, comme l’utilisation de matériaux incompatibles, et des irrégularités juridiques en matière de sécurité, avalisées par l’administration, dans l’installation d’un ouvrage nécessitant un mois de travail par des personnels spécialisés.
Deux ans et demi plus tard, seul l’ingénieur de la société continentale ayant monté la tribune sera condamné à une peine de prison ferme, pour homicides et blessures involontaires.
La double billetterie mise en place pour ce match exceptionnel et les malversations financières qu’il généra furent aussi peu évoquées au procès auquel était absent le président du SCB, Jean-François Filippi, celui qui avait passé commande de la tribune. Il avait été assassiné une semaine avant le procès.
“Nous pensions que la justice passerait, mais personne n’a assumé ses responsabilités. Les victimes ont été oubliées. Tout ça pour du fric, c’est indécent”, déplore aujourd’hui Vanina Guidicelli, dont le mari, Pierre-Jean, journaliste, est mort de ses blessures dans un hôpital marseillais.
A la tête d’un collectif des victimes, Mme Guidicelli mène depuis un combat opiniâtre pour qu’aucun match professionnel ne soit plus disputé un 5 mai, comme l’avait promis le président François Mitterrand, dont l’engagement ne fut pas suivi d’effets.
Soutenu par la population insulaire, le collectif a obtenu cette année le report de la finale de Coupe de France prévue le 5 mai. Mais il souhaite que cette commémoration soit pérennisée, “comme cela se fait en Angleterre où l’on ne joue plus aucun match les 15 avril et 29 mai, suite aux drames d’Hillsborough et du Heysel”.
« 20 ans déjà et pour beaucoup d’entre nous c’était hier »
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