LA LOI « GANDOLFI » VOTEE PAR l’ASSEMBLEE NATIONALE
La proposition de projet de loi (PPL) sur le rapprochement familial des détenus condamnés que le Dr. Sauveur Gandolfi-Scheit a déposé en Février 2010, a été débattue le mardi 24 janvier à l’Assemblée Nationale. Désignérapporteur du texte le 11 janvier à l’unanimité de la commission des Lois, le député de la Haute-Corse a défendu ce dernier dans l’hémicycle du Palais-Bourbon.
Voici les principales avancées de cette proposition de loi, très attendue en Corse et sur l’ensemble du territoire national, par de nombreuses familles.
ETAT DU DROIT EXISTANT
Rien dans le droit français actuel, ne favorise le rapprochement familial des détenus condamnés. Il a donc été entièrement erroné d’affirmer qu’en cette matière « la loi n’était pas respectée ». Le seul texte dont peuvent se prévaloir les condamnés était l’article D.402 du Code de Procédure Pénale qui se borne à évoquer qu’« en vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches ».
Cet article, bien trop vague, n’offre actuellement aucune garantie aux détenus condamnés qui demeurent régis par un fort pouvoir discrétionnaire de l’administration pénitentiaire.
LES CARENCES DE LA LEGISLATION ACTUELLE
Le travail autour de la présente PPL a commencé en Mars 2009, suite à la réunion de Bastia entre le député de la Haute-Corse Sauveur Gandolfi-Scheit, le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale de l’époque,Jean-François Copé, et l’ « Associu Sulidarità » une association à but humanitaire chargée de défendre certains détenus corses incarcérés sur le Continent. Alors que le projet était quasiment finalisé, la « loi pénitentiaire » du 24 novembre 2009 a été votée par le Parlement. Par son article 34, ce texte a introduit pour la première fois dans notre droit positif la notion de « rapprochement familial », mais seulement pour les « prévenus dont l’instruction est achevée » et qui sont en attente de jugement. Ce rapprochement n’est au surplus pas érigé en règle, mais constitue une simple « possibilité », laissée à la libre appréciation des directeurs interrégionaux des services pénitentiaires.
Le Dr. Sauveur Gandolfi-Scheit a considéré que la législation actuelle est susceptible de conduire à dessituations très regrettables. Partant du principe que la sanction pénale étant individuelle, celle-ci « ne saurait donc s’étendre, fut-ce indirectement, à la famille et aux proches de la personne condamnée » le député de Haute-Corse a en outre pointé du doigt le fait qu’aujourd’hui « un prévenu peut être incarcéré loin de sa famille durant l’instruction, puis rapprochée de celle-ci dans l’attente de son jugement, avant d’être de nouveau éloigné en cas de condamnation ».
LES OBJECTIFS DE LA PPL « GANDOLFI »
L’objectif de la présente PPL est de rationnaliser et harmoniser notre droit, en le rendant conforme aux régles pénitentiaires européennes, dans le but avoué que « la préservation des attaches familiales permette de favoriser la réinsertion et la prévention de la récidive ».
PRESENTATION DE LA PPL « GANDOLFI »
L’exposé des motifs fait directement référence à la Corse, rappelant en effet que « la question de l’incarcération des détenus (…) a souvent été posée à propos de détenus de régions ou de territoires périphériques, par exemple la Corse. L’affectation des détenus originaires de la Corse dans des établissements situés sur le continent rend effectivement plus difficile le maintien de liens avec leur famille et leurs proches ».
Le texte se présente sous la forme d’un titre et d’un article uniques.
Son titre est : « Proposition de loi visant à favoriser le rapprochement familial des détenus condamnés ».
Les personnes concernées sont « tous les condamnés dont le temps d’incarcération restant à subir est supérieur à 2 ans ou, pour les mineurs, supérieur à 3 mois ».
DEVENIR DE CETTE PROPOSITION DE PROJET DE LOI
Si elle est adoptée par le Parlement, cette PPL sera directement intégrée dans le Code de Procédure Pénale, sous la forme d’un nouvel article 717-1-AA.
Ses prescriptions prendront donc automatiquement une valeur législative, ce qui aura d’importantesconséquences à la fois pour les justiciables, mais aussi pour l’administration pénitentiaire.
LES « CONQUETES » DU NOUVEAU TEXTE DE LOI
Une procédure d’orientation des détenus existe déjà dans notre droit et est prévue par l’article D.74 du Code de Procédure Pénale. Il s’agit donc là encore d’un texte à valeur réglementaire, ne constituant actuellementpas une garantie suffisante pour le justiciable. S’il fait volontiers référence entre autres à la « personnalité du condamné, son sexe, son âge, ses antécédents ou encore à son état de santé physique et mentale » l’article D.74 ne fait aucune mention de la situation familiale du détenu.
Tandis que l’article 717-1 du C.P.P actuellement en vigueur et qui concerne la « répartition des condamnés dans les prisons établies pour peine » n’évoque de son côté comme critères que « la catégorie pénale, l’âge, l’état de santé et la personnalité ».
I. LA MISE EN PLACE D’UNE PROCEDURE D’ORIENTATION COMPRENANT POUR LA PREMIERE FOIS EN FRANCE LA « SITUATION FAMILIALE » DU CONDAMNE
L’article 717 -1- AA créé par la PLL fait donc en sorte que:
*La procédure d’orientation prend une valeur législative.
*La « situation familiale » constitue désormais un critère essentiel du « dossier d’orientation » qui s’impose à l’administration pénitentiaire lors de la procédure d’affectation de la personne condamnée dans un établissement.
II. LE « MAINTIEN DES LIENS FAMILIAUX » PREND UNE VALEUR LEGISLATIVE POUR LES DETENUS CONDAMNES
L’article 717-1-AA comporte en outre explicitement le principe de « favoriser le maintien des liens familiaux de la personne condamnée ».
III. LA NOTION DE RAPPROCHEMENT GEOGRAPHIQUE EST AUSSI CONSACREE
PAR LA LOI, QUI S’HARMONISE AVEC LES REGLES EUROPEENNES
Pour favoriser donc ledit maintien des liens familiaux, l’article 717-1-AA précise que l’administration pénitentiaire « propose » (…) « une affectation dans l’établissement pénitentiaire » (…) « qui est le plus proche de son domicile ».
Il s’agit là d’une avancée majeure, qui n’est assortie que de 2 conditions :
-
cette affectation est proposée « chaque fois que c’est possible »
Loin d’être restrictive, cette mention est directement inspirée des règles pénitentiaires européennes (R.P.E) élaborées par le Conseil de l’Europe en 2006 et notamment de la règle 17.1 qui prévoit que « les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale ». Par cette PPL, la législation française, longtemps décriée en cette matière, commence à s’harmoniser avec l’Europe.
-
dans un établissement « correspondant à son profil ».
Sur ce point on constate que la PPL Gandolfi est là encore en adéquation avec les normes européennes, puisqu’en matière de répartition des détenus la règle 17.2 du Conseil de l’Europe préconise de « prendre en considération les exigences relatives à la poursuite et aux enquêtes pénales, à la sécurité et à la sûreté, ainsi que la nécessité d’offrir des régimes appropriés à tous les détenus ».
IV. L’AFFECTATION DANS L’ « ETABLISSEMENT LE PLUS PROCHE DU DOMICILE » DEVIENT LA REGLE EN DROIT FRANÇAIS
On touche là au cœur de la problématique et c’est pour cela que la PPL précise très clairement que « seules peuvent y faire obstacle des considérations liées à la sécurité des personnes et des biens ou au projet d’exécution de la peine (P.E.P) ».
La règle qui s’applique pour l’administration pénitentiaire est donc l’affectation dans l’établissement le plus proche de la famille (domicile) et l’exception principale est la dangerosité du détenu.
Comme le précise le rapport de la PPL, l’administration aurait alors « l’obligation de proposer à la personne condamnée une affectation dans l’établissement pénitentiaire correspondant à son profil, qui est le plus proche de son domicile ».
Ce texte va donc beaucoup plus loin que l’article 34 de la loi pénitentiaire de 2009 relative aux prévenus, qui ne stipule qu’une « possibilité » de rapprocher.
V. LA VALEUR LEGISLATIVE DU TEXTE ET SON CONTENU OUVRENT LA POSSIBILITE DE RECOURS POUR LES DETENUS CONDAMNES
Le fait que la procédure d’orientation puisse acquérir, par le vote de la PPL, une valeur législative, modifiera la nature juridique des affectations. Ces dernières n’auront plus une valeur décrétale, mais une valeur légaledonc opposable à tous les détenus condamnés.
Rien ne devrait donc empêcher désormais un détenu de contester sa non-affectation dans l’établissement le plus proche de son domicile, devant la juridiction administrative. Il appartiendra donc certainement au Conseil d’Etat de forger au fur et à mesure, une jurisprudence exacte.
CONCLUSION
L’adoption par le Parlement de la PPL « Gandolfi » viendrait consacrer plus de 3 ans de travail acharné mené dans la concertation pour forger un texte de loi apte à améliorer la condition, la réinsertion et la prévention de la récidive et par la même la vie des familles, notamment pour ce qui concerne les détenus originaires desrégions périphériques, à commencer par la Corse.
Le rapprochement familial et géographique, qui concernera désormais des dizaines de milliers de détenus et de familles devient la règle. C’est la non-affectation qui constituera l’exception. On assiste donc à un renversement complet du prisme.
La nature législative du texte viendra renforcer les garanties offertes aux justiciables.
La France ne sera plus au ban de l’Europe sur la question des règles pénitentiaires. Amorcée en 2009 par la loi pénitentiaire, l’harmonisation avec les textes européens est amplifiée par cette PPL.
Par son soutien au texte, le Gouvernement, en phase avec l’Elysée, respecte la promesse faite en 2007 devant l’Assemblée de Corse par le Président de la République Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait alors affirmé être « décidé à aller très loin sur cette question du rapprochement des détenus ».
Vous aimez cet article ? Faîtes-en profiter vos amis !
Faites passer l’information autours de vous en cliquant sur
Comments are closed.