Trois longues décennies se sont écoulées depuis ce mois de décembre 1977 où, sous l’impulsion et la force de la société basque, le dernier prisonnier politique basque était sorti des prisons espagnoles. Aucune solution n’avait été apportée au conflit que l’Espagne maintient depuis des siècles en Euskal Herria, le droit d’Euskal Herria à décider de son avenir qui est la clé du conflit n’avait pas été mis en place, et aussitôt, en janvier 1978, l’appareil répressif espagnol avait commencé à remplir à nouveau les prisons de citoyens basques. La revendication de l’Amnistie, qui est liée aux raisons de base du conflit, avait été vidée de son véritable contenu et l’État espagnol avait entamé sa transition sous l’oppression et la violation des droits de notre peuple.
Mais ils n’ont pas réussi à faire en sorte qu’Euskal Herria renonce à ses droits. La soif de liberté que nous connaissons depuis des siècles a amené les citoyens à continuer la lutte. Nous avons été des centaines, des milliers ces dernières décennies à avoir été arrêtés, torturés et emprisonnés, ou à avoir du nous exiler. Nous avons vécu l’oppression, l’inhumanité, la cruauté et la soif de vengeance de l’État espagnol ; nous les vivons encore. La souffrance de ces périodes d’absence de démocratie installée, de fraude en escroquerie, en Espagne à celle de la politique criminelle de dispersion d’aujourd’hui. Autrement dit, la marque rouge laissée, coup après coup, par la main fasciste, vengeresse et sanguinaire tant de l’UCD, du PSOE que du Parti Populaire.
Aujourd’hui encore, alors que nous sommes déjà entre leurs mains, ils veulent nous maintenir le plus longtemps possible dans leurs cages de fer et de béton ; sans aucune limite dans la cruauté au quotidien, avec la volonté d’en finir avec nous. Mais nous, ça fait longtemps que nous sommes engagés dans la lutte. Porteurs de ce que notre Peuple et son histoire ont montré et donné, nous savons bien que le travail de tranchées pour la construction de sa liberté en vaut la peine : parce que c’est ce que nous ressentons, ce dont nous rêvons, ce que nous gagnerons. Nous avons passé ces trois dernières décennies à bâtir le chemin de nos doigts endoloris, pour franchir le pont qui nous mènera au premier jour de notre liberté. À ce moment, notre peuple reconnu, quand le respect de ce que nous aurons décidé en tant que citoyens basques pour notre avenir sera garanti, quand les prisons auront été vidées et que les réfugiés seront rentrés chez eux, autrement dit quand nous obtiendrons l’Amnistie dans son sens large, alors ce peuple connaîtra une paix véritable.
Dans ce travail d’années et d’années, nous avons connu aussi de rudes pentes et essuyé de lourdes chutes de pierres ; beaucoup de camarades, d’amis, de parents nous ont laissés en chemin. Nous avons souvent maudit les assassins qui nous ont empêché d’arriver avec eux au sommet. C’est à eux plus qu’à quiconque que nous devons la victoire vers laquelle nous allons. Aujourd’hui encore, le travail qui reste à faire dans ces tranchées est immense. Ce conflit, imposé par la fraude et la force, n’a besoin pour être résolu que de la reconnaissance d’Euskal Herria et de ses droits. Ce qui revient à ce peuple. Sachant que notre engagement dure depuis des décennies, et qu’il faudra mettre le même engagement et la même sincérité dans l’accumulation des forces des acteurs basques, nous aurons besoin d’une vraie poussée pour arracher la clé de l’avenir de notre peuple que les États tiennent entre leurs griffes cruelles.
Et c’est ce que nous sommes en train de faire. Dans cette nouvelle ère où nous voulons imaginer notre avenir en liberté, nous, les acteurs politiques basques, sommes en train de faire des pas significatifs dans la voie de la résolution définitive du conflit. Le dernier d’entre eux, l’annonce par l’organisation ETA de l’arrêt de la lutte armée. Dans le fil de son histoire longue et fructueuse, une fois encore, ETA a agi avec responsabilité et dans l’intérêt d’Euskal Herria. Ceux qui doivent suivre cet exemple sont malheureusement encore nombreux. Nous l’avons dit il y a peu de temps, et nous le répétons : ils feraient mieux d’abandonner le chemin cruel et stérile de la répression, et les États qu’ils représentent devraient s’engager dans le processus démocratique. Que Sarkozy, Zapatero, Rubalcaba, Rajoy et les autres tirent, pour une fois, les leçons de l’histoire. Qu’ils se rendent compte que pour eux aussi le vieux « Et Domuit Vascones » a été une chimère. Comme pour ceux qui ont essayé avant eux, et qui ont également échoué. Qu’ils comprennent enfin qu’ils doivent abandonner cette voie et faire le choix de s’engager dans la résolution du conflit politique qu’ils ont avec Euskal Herria.
En ce qui nous concerne, nous savons que nous, prisonniers politiques basques, sommes l’objectif de leur politique d’assimilation répressive et criminelle. Par le biais de l’oppression et de la répression la plus cruelle, leur obsession d’assimiler notre peuple ne connaît pas de trêve. Les arrestations, les tortures, l’apartheid politique de milliers de citoyens basques, les tentatives d’empêcher par la force nos camarades libérés de parler dans les ongi etorri, les « offres-menaces » de collaboration, le maintien de la politique pénitentiaire criminelle… La liste est longue. Ils nous ont montré clairement
qu’ils manipulent la loi au service de la répression et qu’ils organisent le harcèlement et la vengeance politique.
Notre peuple a placé son avenir dans la voie opposée. Le choix qu’il a fait il y a déjà longtemps d’un avenir en liberté. Aujourd’hui, il n’existe aucun citoyen qui justifie la répression et la vengeance politique de la France et de l’Espagne. Plus encore, une large majorité des citoyens a soutenu les prisonniers politiques basques contre le harcèlement. Les forces réunies dans l’Accord de Gernika ont posé sur la table la revendication du respect des droits individuels et politiques comme premier pas dans la voie de l’Amnistie totale. Dans ce sens, respecter les droits des prisonniers, libérer ceux d’entre nous qui sont gravement malades, libérer ceux d’entre nous qui ont fini leur peine ou qui répondent aux critères de la conditionnelle, mettre fin à la politique de la prison à vie sont les premiers pas que doivent faire les États. Immédiatement et sans condition.
Le Collectif des Prisonniers Politiques Basques souhaite mettre sa force dans ces revendications. Dans ce sens, ceux d’entre nous qui se trouvent dans ces situations feront des demandes de remise en liberté dans les jours qui viennent. Cette revendication est collective, le Collectif des Prisonniers Politiques Basques exprime publiquement cette demande et appelle la société basque à revendiquer l’application de toutes ces mesures sans condition. Parmi les pas à faire dans la voie du processus démocratique, il sera également indispensable de mettre un terme à la dispersion et de nous réunir en reconnaissant le statut politique qui nous revient. Créer la situation qui rendra possible notre participation est incontournable pour que le processus puisse avancer.
Pour notre part, au-delà des peines de mort ou de perpétuité, nous poursuivrons fermement l’objectif d’un Euskal Herria libre. Fermement, fièrement, en toute humilité et pleins d’espérance. Dans ce sens, nous apporterons notre contribution à ce pari ce dimanche. Parmi ces pas vers la concrétisation d’une nouvelle ère pour Euskal Herria, les élections générales espagnoles qui auront lieu en Gipuzkoa, Bizkaia, Araba et Nafarroa auront une importance particulière. En ces temps d’engagement, nos voix seront au côté des vôtres dans les urnes. Que ceux qui persistent dans le pari de vivre dans le confort de l’État espagnol n’espèrent aucun vote de notre part. Non, nous ne voterons pas pour ceux qui soutiennent le Statut politique dessiné à Madrid, qui imaginent l’avenir de notre pays lié à l’Espagne, qui pérennisent la division d’Euskal Herria en approfondissant l’autonomisme, qui approuvent explicitement les actions répressives menées pendant des années par les différents gouvernements espagnols et qui aujourd’hui encore, soutiennent la politique de dispersion qui nous est appliquée. Défendre nos droits d’une petite voix, mais soutenir le harcèlement politique mené par les États contre nous et contre notre peuple d’une grande voix et à grandes actions ne sert à rien. Ils doivent choisir. Nous ne voterons pas non plus, jamais, pour le PNV ou les autres partis de ce type qui ont à nouveau refusé une occasion incomparable de présenter notre parole en tant que peuple. Le Collectif des Prisonniers Politiques Basques sera avec, ce dimanche, avec les abertzale, les indépendantistes, ceux qui luttent pour une transformation sociale, ceux qui luttent pour la parité… enfin, avec la gauche ! Avec ceux qui se sont engagés pour la liberté de notre peuple, avec ceux qui subissent et luttent contre l’apartheid politique, avec ceux qui sont écartés. Avec la jeunesse révoltée aussi. Finalement, le CPPB sera avec tous ceux qui s’efforcent de placer Euskal Herria dans le scénario démocratique. C’est avec eux que nous voulons franchir le pont vers la liberté. Dimanche, nous serons des milliers et des milliers à faire la pari d’un Euskal Herria libre. Et dès lundi, nous continuerons de développer ce projet.
En tant que peuple, nous devons revendiquer nos droits dans les cours de justice, et bien sûr dans les parlements et les mairies où se trouvent les citoyens basques, mais surtout depuis les organisations et des dynamiques populaires de même, bien sûr, que du fond de nos cellules. À l’avenir, nous continuerons de défendre notre nature collective dans tous les lieux où la discussion aura sa place, en paroles et en actions, de donner du souffle au travail en commun et nous libérerons toutes les forces dans ce processus dont ce peuple a tant besoin : en obtenant des conditions minima, en continuant d’agir en toute humilité à la construction du processus et en exigeant des États le respect de la parole des citoyens basques, car c’est le seul chemin vers une paix fondée sur la liberté du peuple.
Tel est notre engagement et telle est la demande que nous faisons à l’ensemble des citoyens basques.
Euskal Herriak Amnistia eta Autodeterminazioa ! Amnistie et Autodétermination pour Euskal Herria ! Gora Euskal Herria Askatua ! Vive Euskal Herria libre ! Novembre 2011
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