ETA : arrêt définitif des activités armées
Elles ont débuté en 1960, deux ans après sa création. Euskadi Ta Askatasuna (ETA) a décidé de mettre fin à ses “activités militaires” plus de 50 ans après. ETA a définitivement abandonné les armes et l’a fait savoir à travers un communiqué reçu hier par la rédaction du Journal du Pays Basque. Une décision irréversible puisqu’elle découle d’un “engagement clair, ferme et définitif”, selon ses propres mots (voir texte intégral ci-contre). Après de nombreuses trêves de différentes natures et une dernière qualifiée de “générale, permanente et vérifiable”, depuis le 10 janvier 2011, avec l’abandon des armes, ETA a franchi cette fois un pas historique. L’occasion pour elle de lancer un appel aux “gouvernements espagnol et français” pour ouvrir des discussions sur les conséquences du conflit. Les deux Etats concernés venaient de donner leur avis sur le sujet cette semaine, déclinant l’invitation et demandant à ETA “l’arrêt de la violence”. Maintenant que la décision de cette dernière a été rendue publique, on peut s’attendre à ce que l’Etat français calque sa position sur celle de son voisin. Effectivement, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a affirmé, en septembre dernier, devant son homologue espagnol, que “la France considère comme un devoir sacré être aux côtés de la démocratie espagnole” contre “ce terrorisme effroyable et impardonnable”.
Diffusion internationale
Le communiqué d’ETA a été diffusé par voie de presse, comme à l’habitude. En plus du Journal du Pays Basque, le communiqué a également été envoyé aux quotidiens basques Gara et Berria et à la chaîne de télévision anglaise BBC. Cette dernière a déjà partagé la primeur de l’information à plusieurs reprises depuis la trêve de 1998-1999, lors de l’accord de Lizarra-Garazi. L’organisation armée lui a également accordé des entretiens par le passé, comme elle l’a fait avec d’autres médias européens. Cependant, le rôle prépondérant des personnalités internationales dans l’actuel processus donne à ce mode de diffusion une signification particulière.
En effet, la décision d’ETA apparaît comme un écho à la conférence internationale pour la résolution du conflit au Pays Basque qui a eu lieu lundi dernier, au palais d’Aiete de Donostia. L’arrêt de la violence d’ETA, c’est le premier point d’une déclaration qui en comptait cinq.
Les six intervenants internationaux ont en outre demandé aux Etats français et espagnol de participer à un processus de dialogue. Du reste, à travers ce communiqué, l’organisation armée exprime son adhésion complète à la résolution présentée à Donostia, puisqu’elle “réunit les ingrédients pour une solution intégrale du conflit”, selon elle. Cette déclaration finale fixe plus précisément les étapes suivantes : le cessez-le-feu définitif d’ETA, l’arrêt de son activité armée, et la préparation d’un dialogue avec les gouvernements français et espagnols ; l’invitation à Madrid et à Paris d’accueillir l’éventuelle déclaration d’ETA et d’engager un dialogue, en particulier sur les conséquences du conflit ; la reconnaissance puis la réconciliation des victimes ; l’appel à “toutes les forces non violentes et politiques” à ouvrir des espaces communs de discussions pour envisager le futur d’un Pays Basque sans violence ; et enfin, la possibilité de mettre en place un comité international de suivi de ces recommandations.
La société basque
Dans ce même paragraphe, ETA souligne que cette résolution est favorablement accueillie par “de larges secteurs de la société basque et de la communauté internationale”. Deux piliers qui portent le processus qui s’est peu à peu enchaîné ces dernières années. Depuis la déclaration de bonne volonté envers un processus démocratique en décembre 2009 et jusqu’au dernier communiqué du 2 octobre dernier, acceptant de collaborer avec la commission de vérification internationale (voir encadré ci-contre), l’organisation armée a régulièrement fait référence à l’engagement aussi bien de la société basque que de la communauté internationale, garants d’un processus démocratique.
Ce dernier s’articulerait autour du principe de reconnaissance du Pays Basque et du “respect de la volonté populaire”, objectif qu’ETA a défendu pendant toutes ces années. Mais cette fois, elle laisse la place à la “société basque” qui a “accumulé de l’expérience et la force nécessaires pour affronter ce chemin”. Cette déclaration apparaît alors qu’est annoncée une manifestation à Bilbo demain (17h30, depuis La Casilla) à l’appel des signataires de l’accord de Gernika. Des milliers de manifestants sont attendus dans les rues de la capitale bizkaitar. Référence à d’autres acteurs du conflit, le texte rend hommage, en outre, aux militants morts, aux prisonniers et aux exilés.
Sur les plus de 700 prisonniers que compte le mouvement de libération national dans son ensemble, la République française compte dans ses prisons 139 détenus basques, la majorité appartenant à ETA. Lorsque cette dernière évoque les conséquences du conflit comme sujet de discussion avec les deux Etats concernés, les prisonniers et les exilés sont pris en compte. D’ailleurs, une manifestation se prépare pour le 7 janvier prochain pour revendiquer les droits des prisonniers basques, mobilisation qui s’annonce d’ores et déjà comme étant historique.
Déclaration d’ETA
Euskadi Ta Askatasuna, organisation socialiste révolutionnaire basque de libération nationale, souhaite à travers cette déclaration faire savoir sa décision au peuple basque : ETA considère que la conférence internationale qui a récemment eu lieu en Pays Basque est une initiative de grande importance politique. La résolution adoptée réunit les ingrédients pour une solution intégrale au conflit et compte avec le soutien de larges secteurs de la société basque et de la communauté internationale. Un nouveau cycle politique est en train de s’ouvrir en Pays Basque.
Nous nous trouvons devant une opportunité historique pour trouver une solution juste et démocratique à ce conflit politique séculier. Face à la violence et à la répression, le dialogue et l’accord doivent caractériser le nouveau cycle. La reconnaissance du Pays Basque et le respect de la volonté populaire doivent l’emporter sur l’imposition.
Tel est le désir de la majorité de la société basque. Ces longues années de lutte ont permis cette opportunité. Le chemin n’a pas été facile. La dureté de la lutte a emporté à jamais de nombreux compagnons. D’autres subissent la prison ou l’exil. Nous leur adressons notre reconnaissance et notre hommage le plus sincère.
Dorénavant, le chemin ne sera pas pour autant plus facile. Face à l’imposition qui est toujours présente, chaque pas, chaque gain sera le fruit des efforts et de la lutte de la société basque. Tout au long de ces années, le peuple basque a accumulé l’expérience et la force nécessaires pour affronter ce chemin, et en a également la détermination. Il est temps de regarder le futur avec espoir. Il est temps aussi d’agir avec responsabilité et courage.
Pour toutes ces raisons, ETA a décidé l’arrêt définitif de son activité armée.
ETA lance un appel aux gouvernements d’Espagne et de France pour ouvrir un processus de dialogue direct qui aura comme objectif la résolution des conséquences du conflit et, de ce fait, le dépassement de la confrontation armée. A travers cette déclaration historique, ETA montre son engagement clair, ferme et définitif.
Enfin, ETA lance un appel à la société basque pour qu’elle s’implique dans ce processus de résolution jusqu’à la construction d’un scénario de paix et de liberté. Vive le Pays Basque libre ! Vive le Pays Basque socialiste ! Jo ta ke independentzia eta sozialismoa lortu arte !
En Euskal Herria, le 20 octobre 2011
Euskadi Ta Askatasuna E.T.A.
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