La campagne présidentielle va progressivement envahir l’espace politique et monopoliser l’attention durant les mois à venir. L’avenir de la Corse sera-t-il débattu,et quelles seront les grandes options proposées ?
De toutes façons impossible d’y échapper : le futur locataire de l’Elysée aura une place essentielle dans la résolution de la question corse. Déjà, à huit mois du scrutin, avec la primaire socialiste, les esprits s’échauffent. François Hollande a arpenté le terrain corse en posture de favori. Les autres candidats suivront. Chacun cherche à mettre en avant ses soutiens locaux, ou à s’en trouver. Pour François Hollande, Simon Renucci s’est prêté au jeu à Aiacciu, Hyacinthe Mattei s’est affiché à Ile Rousse et, pour terminer, le candidat est venu tirer sa révérence à Emile Zuccarelli à Bastia. En creux, on devine que Paul Giacobbi ne sera pas de son camp. Son discours colle à son parcours : pas de nouvelle avancée institutionnelle, pas de langue corse officielle, et un propos général incolore, inodore et sans saveur. On suivra le même manège pour Martine Aubry, puis pour les autres candidats de cette primaire auxquels certains se rallieront, pas tant pour leurs qualités ou pour leurs idées, mais pour «exister» eux-mêmes dans le champ politique insulaire, en espérant qu’un bon score local de leur champion leur attirera une reconnaissance ultérieure. Et même, pour l’obtenir, on n’hésitera pas à tirer les nationalistes par la manche.
Mais l’issue de la primaire socialiste ne se décidera pas sur le terrain corse. Ce sont les débats, largement télévisés, qui feront la différence. Avec leur succès d’audience inattendu, les socialistes ont marqué un point. Ils ont en tous les cas montré que les électeurs sont déjà dans le débat de la présidentielle, même à huit mois du scrutin. Rejoindront-ils les urnes socialistes en aussi grand nombre en octobre prochain ? Ce serait un grand coup d’avance pour le candidat socialiste. Nicolas Sarkozy reste le candidat permanent.
Sans rival dans son camp, son seul ennemi c’est lui-même, comme le montrent les sondages défavorables qui se succèdent. Il faut dire que la crise économique l’atteint de plein fouet, et elle donne à ses adversaires des arguments imparables. Les «cadeaux fiscaux» donnés au nom du libéralisme devaient relancer la croissance économique ? C’est le contraire qui a eu lieu, et il lui faut se résoudre à faire machine arrière, démontrant par là-même à tous les gens modestes, et même aux «moins riches», que ces cadeaux injustes étaient en plus inutiles !
La vague écologiste a apporté de bons scores aux élections européennes puis régionales. Mais le défi d’une élection qui se termine à deux est difficile à relever pour ceux qui n’ont pas la possibilité d’être du second tour. Aussi, les présidentielles pourraient faire mal, comme il y a cinq ans.
Cependant, le socle électoral 2012 est probablement bien meilleur, et la crise leur donne des arguments nouveaux que leur candidate Eva Joly est bien placée pour mettre en avant. Leur score passe par la démonstration que voter pour eux au premier tour est un vote utile. Les écologistes ne manquent pas d’atouts pour cela. Ils sont traditionnellement le vote utile pour les anti-nucléaires, et après Fukushima ils sont désormais beaucoup plus nombreux. Ils sont aussi le vote utile contre les algues vertes en Bretagne, contre les catastrophes écologiques de type Tchernobyl et AZF dont les victimes sont ensuite bafouées par la justice, contre les paradis fiscaux et la corruption à grande échelle qui s’étale désormais au grand jour, contre les méga-projets à fort impact écologique et dévoreurs d’argent public au profit des consortiums industriels.
En Corse, ils sont ainsi le vote utile pour la loi littoral, contre les centrales au fioul lourd, pour la préservation de la biodiversité, etc…
A ces atouts naturels, Eva Joly a ajouté une carte importante pour nous en affichant un anti-jacobinisme déterminé et un soutien inconditionnel à la diversité culturelle, notamment sur la question des langues dites régionales. A tel point que l’UMP l’a violemment prise à parti pour cette position dénoncée comme «anti-française». C’est pourquoi je pense qu’elle sera le vote utile pour la question corse en général. Ces élections présidentielles, il est illusoire de vouloir rester en dehors. D’une façon ou d’une autre, elle finiront par s’imposer à nous tant leur emprise sur la vie politique est grande. Mais vues de Corse, elles seront différentes, pour les candidats comme pour les électeurs.
François ALFONSI
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