Ces dernières semaines, la presse s’est largement fait l’écho des problèmes survenus au sein du Centre Pénitentiaire de Borgu (lequel comprend une Maison d’Arrêt pour les détentions préventives et l’exécution des courtes peines, et un Centre de Détention pour l’exécution des longues peines). Corsica Libera, en présence de l’associu Sulidarità, souhaite aujourd’hui réaffirmer sa position, à la lumière de certains faits récents.
Depuis de nombreuses années, notre mouvement poursuit une lutte inlassable pour le règlement de la question des prisonniers politiques. Cette mobilisation a en partie porté ses fruits, puisque nous avons reçu l’adhésion de l’ensemble des élus de la Corse sur la problématique du rapprochement. C’est ainsi qu’en mars 2011, le Garde des Sceaux ordonnait enfin le transfèrement à Borgu, des condamnés à de longues peines. L’Etat a donc formellement pris des engagements politiques.
Or aujourd’hui, nous constatons qu’il se renie, en refusant délibérément de prendre les mesures légales destinées à la mise en œuvre effective desdits engagements.
Certains signaux sont particulièrement inquiétants :
Le Centre de Détention, qui n’a connu, il faut le préciser, aucun incident, ne dispose toujours pas des moyens que lui confère son statut. Cette structure, qui accueille dorénavant des prisonniers condamnés à de longues peines (libérables pour certains en 2018 et 2019), est privé des activités, des formations professionnelles, des ateliers, dont disposent tous les autres CD. Les prisonniers ne disposent pas non plus d’une Unité de Vie Familiale favorisant le maintien des liens familiaux, comme la loi le prescrit.
De plus, le règlement qui y est appliqué, est celui d’une Maison d’Arrêt. Il est donc forcément plus restrictif, et par voie de conséquence incompatible avec l’exécution de longues peines.
Les revendications exprimées ces dernières semaines par les prisonniers politiques sur cette question sont parfaitement légitimes, et tous les acteurs, y compris l’administration pénitentiaire, en conviennent. La décision politique, prise au plus haut niveau de l’Etat, n’a délibérément pas été accompagnée des mesures administratives, techniques et financières qui auraient du être prises.
Le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté, saisi à notre demande par le Président de l’Assemblée de Corse, a récemment répondu qu’il prenait acte des informations portées à sa connaissance, lesquelles lui seraient utiles « pour préparer la visite du Centre Pénitentiaire, qui ne manquera pas d’intervenir au moment le plus opportun ». Lorsque l’on sait que le Préfet n’a pas encore jugé « opportun » de réunir le conseil d’évaluation créé par la loi pénitentiaire de 2009 auprès de chaque établissement pénitentiaire (décret d’application n°2010-1635 du 23/12/2010), la réponse laisse songeurs…
Nous posons clairement la question : Cherche t-on à dissuader les condamnés, de solliciter leur rapprochement à Borgu, où les conditions de détention sont objectivement plus difficiles que dans tous les autres CD, et surtout inadaptées à leur situation ?
Nous ne sommes pas dupes, et nous exigeons que l’Etat prenne immédiatement toutes les mesures, afin de remédier à cette situation. Nous exigeons aussi que les prisonniers politiques encore détenus dans d’autres prisons, soient inclus dans les engagements pris en mars 2011.
L’application de la loi pénitentiaire.
Pour des raisons exclusivement politiques, l’Etat oppose un refus systématique, aux demandes formulées en application des dispositions de l’article 34 de la Loi Pénitentiaire de novembre 2009.
Les prisonniers, dont les dossiers sont clos depuis de longs mois, doivent être rapprochés à la Maison d’Arrêt de Borgu, dans l’attente de leur procès. Rappelons que désormais, le délai d’audiencement devant la Cour d’Assises spéciale est quasiment de deux ans.
Nous exigeons que la loi soit simplement appliquée, et que l’on cesse de nous opposer de fausses raisons liées à l’impossibilité d’accueillir ces personnes au sein de la Maison d’Arrêt de Borgu. Depuis la création du CD, la démonstration est faite, que plus aucun obstacle ne subsiste en ce domaine. Nous mettons en garde contre la tentation qui consisterait à utiliser les problèmes survenus depuis quelques semaines à Borgu, pour justifier ces refus.
Ces incidents, souvent inquiétants, sont une des conséquences de la crise morale et sociale que connaît la société corse. La population pénale n’est en effet que le reflet, exacerbé, de la société qui vit à l’extérieur.
Depuis longtemps, nous avons dénoncé la formation dans notre pays de phénomènes de « banlieues », avec des codes et des comportements identiques à ceux que l’on rencontre dans les grands ensembles français. Ceux-ci ont cours aussi dans les prisons. Le trafic de drogue et le nouveau banditisme qu’il induit, le développement considérable de la toxicomanie, le taux record de déscolarisation des jeunes de 16 à 24 ans en Corse, modifient de manière inquiétante, la structure de la société Corse, et change de manière plus radicale encore, la structure de la population au sein des prisons.
La responsabilité de l’Etat dans cette situation est écrasante.
Alors qu’elles ne manifestent aucune volonté politique pour y remédier, les autorités ne sauraient opposer de tels arguments pour refuser un droit à ceux qui ont sacrifié leur liberté pour l’avenir de notre peuple.
Nous tenons enfin à livrer une information qui vient de nous parvenir : Olivier Sauli, membre de notre exécutif, est renvoyé devant le Tribunal Correctionnel de Paris, alors que les seules charges retenues contre lui, résident dans sa qualité de responsable politique. Alors qu’il devait comparaître en décembre, il a appris hier, que son audience était fixée au 1er mars 2012, soit deux ans après son interpellation. Bien plus, le Tribunal a refusé la levée de son assignation à résidence à Paris. Le Parquet s’est opposé à cette légititime demande, au motif qu’il serait une « éminence du nationalisme ».
Tous ces exemples démontrent clairement qu’au plus haut niveau de l’Etat, des instructions sont données pour faire obstacle au règlement de la question des prisonniers politiques. Plus que jamais, nous assurons les prisonniers politiques de notre soutien, et nous réaffirmons que leur sort est indissociable de toute solution politique porteuse d’avenir et de paix.
Divers moyens sont mis en œuvre,de manière plus ou moins insidieuse, pour faire obstacle.
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