Chez les natios, la bataille pour le leadership se joue aussi sur… papier, à travers la presse militante. D’un côté, Arritti, hebdo modéré de 45 ans d’âge. De l’autre, U Ribombu, mensuel indépendantiste depuis 37 ans.
Il y a 15 jours, 24 Ore soufflait à ses lecteurs un petit confidentiel sur les difficultés financières avec lesquelles Arritti se débat actuellement. Posant la question de la continuité de l’organe du PNC. Le jour de la publication, Fabienne Giovannini, a tenu à rassurer tout le monde : le journal n’est pas encore enterré. Ouf.
« Nous avons des soucis financiers et une recapitalisation est en cours, confirme la conseillère territoriale Femu a Corsica et rédactrice en chef du titre, mais ça ne va pas s’arrêter comme ça ! ».
En réalité, le passage en quadrichromie a mis à mal la trésorerie de l’association éditrice, obligée désormais d’être très vigilante sur les dépenses.
Crises. Des crises, U Ribombu a en traversées de nombreuses. Dont quelques-unes armes à la main, notamment au plus fort des rivalités entre MPA et Cuncolta. Créé en 1974 par les étudiants de la Cunsulta di i studienti corsi (CSC) à Nice, le mensuel est aujourd’hui rattaché à Corsica Libera. Entièrement rédigé par les sympathisants, le journal n’a pas les moyens de s’octroyer les services d’un salarié. Alors, en cuisines, chacun met la main à la pâte. Dans chaque numéro, l’association Sulidarità signe ainsi au moins une page consacrée à ses actions. Militantes, forcément.
Principale difficulté, liée à ce système D ? Garantir une « régularité dans la qualité du journal », avouent de concert Alain Simoni et Rosa Prosperi. Qui aimeraient sortir au moins deux hors-séries par an… Mais les moyens manquent. Tiré à 3 000 exemplaires, U Ribombu est distribué à 750 abonnés. Auxquels il convient d’ajouter une trentaine « d’abonnés gratuits » – « les prisonniers », précise Rosa Prosperi.
Lisibilité. Avec presque 1 500 abonnés, Arritti, de son côté, est distribué dans les boîtes aux lettres et disponible en kiosque – où « la lisibilité est difficile, à côté d’un Paris-Match », sourit Fabienne Giovannini. S’il venait à disparaître, l’hebdo d’opinion fondé par Max Simeoni « manquerait à la presse insulaire », estime sa direction. « Resté longtemps hebdomadaire purement « militant », son audience est aujourd’hui élargie au delà du PNC et de la seule mouvance nationaliste, grâce à ses dossiers d’analyse et ses informations inédites », vante son site Internet. Toutefois, la rédactrice en chef concède que le journal manque d’investigation. Elle aimerait s’offrir l’aide d’un pigiste, de temps en temps. Là encore, l’argent manque.
Difficultés. L’un comme l’autre, les deux journaux de la sphère natio ont eu du fil à retordre avec les autorités. Lors d’une conférence de presse, en mai 2004, intervenant après des difficultés financières, une forte pression judiciaire et le passage à l’actuelle périodicité mensuelle, les dirigeants d’U Ribombu avaient du clarifier leurs liens avec le FLNC. Démentant tout lien structurel avec les clandestins, qui n’en conservent pas moins le soutien régulièrement réaffirmé du journal. Par ailleurs, la commission paritaire des agences et publications de presse (CPAPP), qui délivre les autorisations de paraître et de diffuser, met depuis plusieurs années des bâtons dans les roues d’Arritti, refusant de lui accorder le tarif spécial de diffusion octroyé aux organes de presse pour la diffusion postale. Deux fois condamnée par le conseil d’Etat, la CPPAP a finalement délivré une autorisation provisoire. Preuve que, aux pays de la presse militante, les journaux aussi doivent se battre pour leur survie.
22/09/2011 24 Ore n°319
Par Aurélie Thépaut
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