Intervention faite dans le cadre du débat sur le transfert partiel de la compétence fiscale à la CTC 30 06 2011 : Le rapport, richement argumenté par Messieurs Colombani et Serenni, donne, me semble-t-il, toute sa pertinence à la réflexion que nous avons engagée sous la double exigence d’une part, de freiner la flambée spéculative et de réduire les dérives affairistes et mafieuses et d’autre part, de répondre à l’urgence sociale et à la pénurie de logements en utilisant un maximum de leviers mis à disposition de la CTC à travers ses compétences notamment son pouvoir d’adaptation réglementaires et législatif.
Dans ce cadre et dans le contexte d’évolution de la fiscalité dans le pays nous sommes amenés à examiner le la possibilité d’un transfert partiel de la compétence fiscale. Pour ce qui nous concerne nous voulons combattre l’injustice fiscale jusque dans les Arrêtés Miot qui préservent les plus gros détenteurs de patrimoines de toute contribution fiscale solidaire et redistributive. Il s’agit bien d’équité et véritablement du combat pour la justice sociale à défaut il faut s’en tenir à la charité ou la compassion.
Ce dont nous sommes sûrs c’est que parmi les pauvres et les précaires le patrimoine se résume la plupart du temps à rien. Plus d’un ménage sur deux en Corse n’est pas propriétaire de sa résidence principale. Nous savons aussi que dans 95 % des cas l’application des abattements conduit à une exonération totale de droits pour les successions directes. Il faut par conséquent déterminer ce qu’est un petit patrimoine, un patrimoine moyen et un gros patrimoine.
En revanche nous savons que les 395 contributeurs à l’ISF soit moins de 1% de la population (0.13 exactement) disposaient en 2009 d’un patrimoine moyen de 1,9 M€. Que de ce côté-là on paye une juste contribution qui pourrait être restituée à l’EPF pour acheter des terrains dans le but de construire des logements sociaux, des terres agricoles pour installer de jeunes agriculteurs ne nous choque pas, au contraire c’est bien la situation actuelle qui est choquante quand des successions de plusieurs millions d’euros peuvent échapper à toute contribution.
Les projections de Mr Sereni nous éclairent sur les objectifs politiques qui peuvent être recherchés et sur les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Si l’objectif c’est de maintenir les privilèges de quelques uns, déjà servis par la dernière réforme de l’ISF ou le fameux bouclier fiscal, il suffit de demander, non pas la prolongation du régime dérogatoire mais sa pérennité.
Dans le cas contraire, il faut se faire à l’idée que les riches devront payer, comme nous le disons, et que quelques centaines de foyers insulaires seront soumis à contribution sans qu’ils se retrouvent sur la paille. C’est le sens de l’amendement que nous vous proposons de porter à la délibération. Le produit de cette fiscalité, 30 M€ selon Mr Profizi, contribuerait alors à la mise en œuvre de la politique de maîtrise du foncier et du logement que nous venons d’adopter.
Naturellement, je ne peux pas dire que cette visée prévalait au moment de la rédaction de la loi du 22 janvier 2002. Pour autant, et aussi imparfaite qu’elle fut cette loi a fixé un point de non retour pour tout bien acheté après cette date. Et comme il fallait tenir compte du réel désordre engendré par l’indivision et l’absence de titres de propriétés la date butoir du 31 décembre 2017 a été retenue, l’essentiel des difficultés devant être surmontées, pour un retour au droit commun qui n’est pas loin s’en faut confiscatoire.
Avec le palier 2012/2013 qui prépare à ce changement on peut objecter que le Conseil d’Etat recommande la plus grande prudence car « ce système met en cause le principe constitutionnel d’égalité devant la loi alors qu’il n’apporte qu’une « réponse très partielle à la situation de désordre juridique du patrimoine immobilier qui a pourtant justifié son institution ».
C’est indiscutable comme il est évident qu’un alignement du régime des donations sur celui des successions dans le cadre de cette loi aurait été plus judicieux. En revanche, on remarque que les zones urbaines et périurbaines la bande littorale sont rarement concernées par l’absence de titre et l’indivision.
Plus précisément la délibération proposée, dans le cas ou le gouvernement en tiendrait compte, permettrait, non seulement, d’engager dès 2013 une nouvelle politique alliant justice fiscale et justice sociale mais aussi de purger les problèmes de l’indivision et des donations, et enfin d’expérimenter et d’évaluer les nouveaux dispositifs comme le rapport le propose sur une période allant jusqu’en 2027.
Dans le cas contraire, où le gouvernement n’en tiendrait pas compte, le retour au droit commun sera effectif en janvier 2018 et pour notre part nous nous opposerons à l’ouverture de nouvelles négociations avec l’Etat pour obtenir une dérogation de plus maintenant à travers les arrêtés Miot les privilèges exorbitants de quelques uns.
L’enjeu c’est en définitive de mettre en cohérence la politique du foncier et du logement et de dégager une partie des moyens financiers dont l’EPF aura besoin. En ce sens, la délibération devra être précisée très rapidement notamment sur le produit attendu, les barèmes, les tranches, les abattements, les assiettes et les taux en réaffirmant l’orientation forte de la CTC en faveur de la justice fiscale.
A ce moment là nous dirons clairement au législateur voila ce que nous demandons pour les successions en ligne directe, pour les successions en ligne indirecte en tenant compte qu’en Corse le nombre de succession de ce type est supérieur et enfin pour les entreprises de l’entreprise uninominale à celle 250 salariés et plus, en tenant compte de leur politique d’emplois, de salaires, de formation, de respect de l’environnement.
En même temps, l’absence d’éléments d’appréciation sur la fiscalité des entreprises en Corse est ici dommageable. En effet, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) souligne, dans une récente étude relative aux taux d’imposition sur les bénéfices, une grande disparité selon leur taille à l’avantage des entreprises du CAC 40.
Ainsi, il apparaît que la multiplication des exonérations et des crédits d’impôts, l’exonération des plus-values sur les titres de participation, les niches fiscales ou encore les transferts vers des filiales à l’étranger ont fortement diminué la base taxable de l’impôt sur les sociétés.
De ce fait, les grandes entreprises du CAC 40, qui représentaient selon le CPO 30 % des profits nationaux en 2006, rapportaient à peine 13 % de l’impôt sur les sociétés quand les entreprises de moins de 20 salariés acquittent cet impôt à hauteur de 30 %. Au total, le manque à gagner pour l’État s’élève à 5 milliards d’euros par an. Taxées à 18 % comme les PME, les grands groupes cotés paieraient 15 milliards d’euros d’impôts sur les sociétés contre 6,5 milliards actuellement.
En conclusion, cela m’amène à souligner, plus encore maintenant que les effets de la crise se font à nouveau sentir durement, qu’il ne peut y avoir d’évolution positive durable sans une véritable réforme nationale de la fiscalité qui mette à contribution les marchés financiers d’une part et garantisse par la péréquation à chaque citoyen, à chaque collectivité, les dotations nécessaires à une vie et un développement harmonieux qui les dégagent définitivement de la logique concurrentielle qui oppose les hommes et les territoires entre eux.
Blog de Michel Stefani, Elu à l’Assemblée de Corse
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