Procès Colonna : L’intervention de Gilles Simeoni, pour le groupe Femu a Corsica, devant l’Assemblée de Corse

UnitaInfurmazione 23 June 2011 Comments Off on Procès Colonna : L’intervention de Gilles Simeoni, pour le groupe Femu a Corsica, devant l’Assemblée de Corse

“M. le Président de l’Exécutif

M. le Président de l’Assemblée,

Mes Chers Collègues,

Je reviens, comme vous le savez de Paris, où, j’ai assisté avec quatre de mes confrères (le Bâtonnier Antoine Sollacaro, Pascal Garbarini, Philippe Dehapiot, Eric Dupond-Moretti),Yvan COLONNA qui comparaissait pour la troisième fois devant la Cour d’Assises spécialement composée de Paris.

Prima di tuttu, vogliu ringrazià di core, à nome d’Yvan è di a so famiglia, e decine di millaie di ghjente chi, in Corsica è in altrò, l’hanu sustinutu è incuraggitu.

Ringrazià dinù l’eletti, numarosi è da tutti i lati pulitichi, chi si sò manifestati o ch’emu incuntrati per fà li sapè ciò chè no pinsavamu di iss’affare.

Ringrazià particularmente l’eletti di Corsica Libera, chi so cullati à l’audienza di Pariggi.

Ringrazià in fine, è naturalmente, u gruppu Femu a Corsica, eletti è cullaboratori, pè u so impegnu tamantu ad ogni stonda, è u so sustegnu fraternu.

Au terme de ce troisième procès, vous le savez, Yvan COLONNA a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Cette condamnation est le terme provisoire et le point d’orgue de treize années d’une procédure pénale scandaleuse, qui nous concerne tous, indigne d’un Etat de droit et d’une démocratie, et dont voici, pour mémoire, quelques épisodes significatifs :

– 350 personnes interpellées en 10 mois, de février à décembre 1998 ; rapporté à la population française, ce chiffre reviendrait à placer en garde à vue arbitrairement plusieurs dizaines de milliers de personnes : si cela c’était passé dans l’hexagone, qui, dans la classe politique française, aurait accepté pareil scandale sans dire un mot ?

– je veux citer aussi et rappeler l’incarcération infondée, pendant de très longs mois, de quatre mois à dix huit mois, de quarante-deux personnes : certaines d’entre elles – je pense notamment à Roger Simoni et à Marcel Lorenzoni – sont mortes sans avoir été réhabilitées, d’autres sont ruinées familialement, économiquement, moralement. 13 ans après, ces innocents attendent toujours le non-lieu qui leur est dû : si cela c’était passé dans l’Hexagone, qui, dans la classe politique française, aurait accepté pareil scandale sans dire un mot ?

– je veux dire enfin devant cette assemblée les manipulations policières qui sont désormais connus de nous tous : le faux procès-verbal du Commissaire Frizon, les détournements de commission rogatoire du Commandant LEBBOS, les mensonges du même débouchant sur la condamnation en première instance d’Andriuzzi et Castela à 30 années de réclusion criminelle, la déposition d’un témoin accusant devant la Cour d’Assises MARION et BATTESTI (chef des RG dans l’île) d’avoir fait déposer des explosifs chez Matteu FILIDORI : si cela s’était passé dans l’Hexagone, qui, dans la classe politique française, aurait accepté pareil scandale sans dire un mot ?

Ce sont les mêmes hommes, les mêmes pratiques, les mêmes méthodes, qui ont conduit à la condamnation d’Yvan Colonna.

Certes, le scandale du procès d’appel de 2009 avait été tel qu’il fallait, au moins sur la forme, sauver les apparences.

L’objectif était clair : tenter de donner une apparence de normalité judiciaire à cette chronique honteuse d’une condamnation annoncée.

Je ne reviendrai pas devant vous dans le détail des débats devant la Cour d’assises spécialement composée.

Mais je veux vous dire une fois encore, solennellement, qu’Yvan Colonna est innocent, qu’il l’a affirmé depuis le premier jour et que nous l’avons démontré.

Je veux vous dire aussi, et peut être surtout, que, quoi qu’il en soit, l’accusation n’a, en aucun cas, rapporté la preuve de la culpabilité.

Dans n’importe quelle autre affaire, Colonna aurait été acquitté.

Des chroniqueurs, en Corse et ailleurs, ont eu le courage de l’écrire.

Des hommes politiques français ont eu le courage de le dire: comment ne pas citer André VALLINI, député, avocat, Président de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau qui, la semaine dernière, une semaine avant le verdict, expliquait : « je n’ai aucune sympathie pour Colonna ou pour ses idées. Mais il doit être acquitté » ?

Dans n’importe quelle autre affaire, l’acquittement aurait été inéluctable.

L’affaire Colonna n’est pas une affaire normale : elle ne l’a jamais été.

Elle s’est construite sur la violation systématique de deux principes cardinaux de la démocratie judiciaire : la présomption d’innocence, et la séparation des pouvoirs.

Dans l’affaire COLONNA, l’ingérence du pouvoir exécutif dans le processus judiciaire, la pression du pouvoir politique et de l’appareil d’Etat sur l’institution judiciaire, ont été des constantes. Je ne citerai pas à nouveau :

– Chevènement en août 1999 dans le journal « Le Monde », stigmatisant l’ « acte odieux d’ Yvan Colonna » ;

– Je ne citerai pas Sarkozy, Ministre de l’Intérieur, annonçant fièrement l’arrestation d’ « Yvan COLONNA, l’assassin du Préfet Erignac », et affirmant publiquement, à Santa Lucia di Tallà, en 2007, à la veille du premier procès, sa conviction de la culpabilité d’Yvan ;

– Je ne citerai pas Guéant, Secrétaire Général de l’Elysée, recevant nuitamment et clandestinement le témoin Marion quelques jours avant l’ouverture des débats ;

– Je ne citerai pas Mme Alliot-Marie, Garde des Sceaux en exercice qui, fait inouï et sans précédent, s’exprima par communiqué officiel dans les heures suivant l’arrêt de la Cour de Cassation, pour adresser ses premières pensées à la partie civile ;

Je dois le dire clairement et fortement, et je souhaite que cela soit bien entendu, dans cette Assemblée, à la Préfecture à Aiacciu, et à Paris : L’Etat français, dans l’affaire COLONNA, s’est comporté comme une République bananière :

– pendant sept semaines, nous avons vu défiler à la barre les plus hauts gradés de la hiérarchie policière. Ces fonctionnaires d’autorité ont menti sous serment. J’accuse publiquement Messieurs Marion, ancien numéro 1 de la DNAT, Frizon, ancien numéro 2 de la DNAT, Vaux, ancien chef de la PJ en Corse, et actuel n°2, derrière SQUARCINI, de la DCRI, j’accuse ces trois hommes d’être venus mentir sous serment sur des éléments décisifs de l’enquête.

– Je veux vous dire que lors de la reconstitution à Aiacciu, le Préfet STRZODA, fraichement débarqué en Corse, grand donneur de leçons sur l’Etat de Droit, n’a pas craint de s’inviter sur les lieux d’un transport de justice, entouré de gardes du corps en armes, pour saluer ostensiblement la partie civile et lui manifester son soutien ;

– Je veux enfin vous rappeler qu’au moment où le procès basculait définitivement en faveur de la Défense, nous avons vu le premier policier de France, LOTHION, mandaté tel un vulgaire coursier, pour remettre à la Cour une photocopie. Photocopie tellement scandaleuse que les juges, après avoir accepté sa production aux débats, éviteront soigneusement d’y faire référence afin de chercher à éviter la sanction de la Cour de Cassation et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ;

Ne cherchez pas trace de ces dérives, de ces procédés, de ces errements, dans l’arrêt condamnant Yvan COLONNA à la prison à vie.

Ne cherchez pas trace non plus des éléments à décharge, des témoignages et des éléments matériels qui l’innocentent.

Ils n’y figurent pas. Ils ont disparu. Ils n’existent pas. Ils n’ont pas le droit d’exister.

L’affaire Colonna n’est pas seulement un scandale judiciaire.

Elle est une infamie politique.

Elle est une pierre – et quelle pierre ! – dans le jardin de la démocratie.

Elle est une plaie purulente, qui va envenimer pour longtemps, et peut être de façon irréversible, les relations entre la Corse et l’Etat.

Qui, parmi les responsables de l’Etat, osera encore nous parler d’Etat de droit ?

Qui, parmi les responsables de l’Etat, osera encore nous parler de dialogue, de confiance, de respect ?

Monsieur le Président de l’exécutif, Monsieur le Président de l’Assemblée, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil exécutif, mes chers collègues :

Mon propos, dans cette enceinte, n’est pas seulement celui d’un avocat indigné par les atteintes à l’Etat de droit et la violation des règles du procès équitable.

Mon propos est aussi et principalement celui d’un responsable politique, qui a fait le choix de l’action publique et de la démocratie, et qui vient d’être confronté, pendant des années, à une violence et une vengeance d’Etat assumées, organisées, préméditées, mal dirigées.

Je vous demande de réfléchir, en conscience, à la gravité de ce qui s’est passé, je vous demande de réfléchir, en conscience, aux conséquences de ce qui s’est passé.

Je pense, comme l’a fait M. Vallini, je suis même certain, qu’il est indispensable que, après cette réflexion qui vous appartient, dans les jours ou les semaines à venir, vous vous exprimiez publiquement non pas sur le fond du dossier, mais sur ce déni de justice et de démocratie.

Pour notre part, nous sommes amers, nous sommes écœurés, nous sommes révoltés.

Mais plus encore, et plus que jamais, nous sommes déterminés.

Nous nous battrons en Corse, nous nous battrons à Paris, nous nous battrons à Bruxelles, nous nous battrons à Strasbourg, nous nous battrons partout.

Et nous ne doutons pas un seul instant – pas un seul instant – qu’il y aura, au bout du chemin, la liberté.

A Libertà.”

Femu A Corsica, Gilles Simeoni.

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