Jugé depuis le 2 mai, le berger de Cargèse (Corse-du-Sud), 51 ans, prendra la parole une dernière fois lundi matin avant que la cour d’assises spéciale de Paris, composée de magistrats professionnels, se retire pour délibérer. Le verdict est attendu en fin d’après-midi ou dans la soirée.
Neuf magistrats professionnels vont délibérer à huis clos, et pour la première fois pour une cour d’assises spéciale, ils motiveront leur verdict. Les juges se sont substitués au jury populaire parce qu’il s’agit d’une affaire de terrorisme. Leur décision sera prise à la majorité simple: 5 voix sur 9 suffiront à faire pencher la balance, et à décider de la peine si l’accusé est déclaré coupable.
Yvan Colonna, qui n’a cessé de clamer son innocence, a été condamné deux fois à perpétuité pour l’assassinat du préfet, le 6 février 1998 à Ajaccio, et pour l’attaque en septembre 1997 de la gendarmerie de Pietrosella, où l’arme du crime avait été dérobée. Le verdict d’appel en 2009, alourdi d’une période de sûreté de 22 ans, a été annulé par la Cour de cassation pour vice de forme.
Pour la troisième fois, le ministère public, qui le considère comme le tireur, a requis la réclusion criminelle à perpétuité, dont 22 ans de sûreté. En l’absence d’éléments matériels, l’accusation repose sur les mises en cause d’Yvan Colonna par plusieurs des six membres du commando condamnés en 2003 pour le crime, et par leurs épouses.
Faites durant leurs gardes à vue en mai 1999 et réitérées devant un juge d’instruction, ces accusations n’ont été rétractées que des mois, voire des années plus tard. La cavale de quatre ans (1999-2003) d’Yvan Colonna est aussi considérée comme un élément à charge.
Ses avocats ont plaidé l’acquittement, insistant sur les “irrégularités” de l’enquête et les “turpitudes” des policiers qui l’ont dirigée, et ont dénoncé une instruction menée uniquement “à charge”. Ils ont demandé à la cour de ne pas “sacraliser” la parole des accusateurs d’Yvan Colonna, auxquels la police aurait selon eux “soufflé” son nom car ils le soupçonnaient “depuis décembre 1998”.
L’accusé a tenté de montrer une nouvelle image de lui-même, plus personnelle, sans rien renier de ses convictions nationalistes. Alors qu’il avait jusqu’à présent nié toute connaissance du “groupe des anonymes” qui a revendiqué l’assassinat, il a admis que son ami Pierre Alessandri – l’un des six membre du commando condamnés en 2003 – lui avait proposé d’en faire partie peu après l’attaque contre Pietrosella. Il a assuré avoir “décliné l’invitation” et n’avoir par la suite “jamais posé une question, jamais cherché à savoir”.
Auditionnés fin mai, certains membres du commando ont dit avoir eu de la “rancune” et “peut-être même de la haine” envers Colonna, en raison de ce refus et à cause d’une rumeur selon laquelle il aurait été un informateur du préfet Bernard Bonnet. Mais comme aux deux premiers procès, leurs silences et non-dits ont pesé. Ainsi, Pierre Alessandri a réaffirmé être le tireur mais ses explications, lors du transport de justice organisé le 6 juin à Ajaccio, ont été en contradiction avec toutes les constatations matérielles, notamment les expertises balistiques.
Le procès a aussi été marqué par la divulgation, le 27 mai, d’une lettre attribuée à Colonna, qui menaçait de “guerre” Pierre Alessandri s’il ne le disculpait pas de façon convaincante. Colonna a contesté l’avoir écrite. (Revue de presse)
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