Entre panique pour l’accusation et lettre mystérieuse. La quatrième semaine du procès a été marquée par l’audition des membres du commando et la manœuvre de «la lettre» qui a débordé sur la cinquième semaine écourtée par le pont de l’Ascension. À noter aussi l’audition de témoins qui confirment l’alibi d’Yvan Colonna le soir du 6 septembre 1997. C’est-à-dire le soir de l’attentat de la gendarmerie de Petrusella. Des témoignages de plus parmi les éléments matériels qui, tous, innocentent Yvan Colonna.
La “reconstitution” ce lundi est venu encore conforté ce doute sur l’innocence d’Yvan Colonna…
30 mai. «La lettre»
L’apparition de «cette lettre» est étrangement intervenue en pleine déposition du juge Thiel qui avait faussé les débats, traduisant une certaine «panique», en missionnant son huissier durant l’audition du juge Bruguière. Mais, surtout, elle apparaissait au lendemain de la déposition de Pierre Alessandri. Une déposition importante car, pour la première fois, celui qui revendique être le tireur, a levé le voile sur les raisons de son amertume et de son état d’esprit exprimé jusqu’ici. Bien au-delà encore, il a accepté de «collaborer» en répondant aux questions de la Cour, allant jusqu’à livrer des éléments nouveaux et s’expliquer sur un plan de la scène du crime (lire Arritti de la semaine dernière). Comment donc comprendre l’arrivée de ce courrier, maintenant, alors qu’il a mis six mois (daté du mois de décembre 2010) pour arriver à notre connaissance ? Comment admettre l’opacité de son acheminement, malgré l’audition, lundi 30 mai, du commissaire Liothon qui l’a transmis à la Cour et n’a rien voulu dire sur son origine ? Comment croire qu’un policier de ce niveau n’ait pas été alerté par l’évidence de la manœuvre ? Pourquoi n’a-t-il pas ouvert une enquête à ce sujet, pour vérifier la crédibilité de «l’indicateur», la réalité des faits, l’authentification du document ? Comment a-t-il pu se contenter d’une «photocopie» et la transmettre ainsi de façon brute à la Cour, prenant le risque éventuel de produire un faux, et d’encourir des poursuites, sachant très bien que le document ne pourrait pas être authentifié mais qu’il aurait un impact nocif certain, donc qu’il altèrerait l’impartialité des débats ? Pourquoi n’a-t-il pas interrogé cet «indicateur» sous X par exemple ?
Seules réponses de M. Lothion : ce courrier lui a été remis «vendredi en fin de matinée à proximité de la place Beauvau» (sic). On est bien obligé de penser, comme à chaque fois que l’accusation perd de sa consistance, à une nouvelle technique manipulatrice récurrente du tandem police-justice dans ce dossier. Entre coups tordus et pratiques douteuses, la vérité est polluée depuis l’origine par des manœuvres de toutes sortes. «Ce n’est pas un hasard, cette lettre s’inscrit dans le droit fil de la procédure injuste et déloyale dont est victime Yvan Colonna depuis le début de cette affaire» dénonce le Comité de Soutien. La défense a demandé à la Cour le retrait pur et simple du document acheminé dans de si contestables conditions tant au plan de la légalité que de la loyauté nécessaire aux débats. «Vous êtes garants du respect d’un certain nombre de principes… il s’agit ici d’une approche clandestine de la preuve… le contrôle d’une juridiction supérieure serait fondé à sanctionner une décision de recevabilité… a plaidé Maître Dehapiot pour la défense. Reste que si vous décidez comme nous vous le demandons, de rejeter ce document, vous devrez aussi faire l’effort d’en oublier le contenu». La Cour devait se prononcer ce mercredi 8 juin sur le sort de cette lettre.
31 mai. Gardes à vue illégales
Ce mardi 31 mai, une décision de la Cour de Cassation intervenait stipulant que les gardes à vue menées avant le 15 avril 2011, date depuis laquelle les avocats peuvent être présents lors des interrogatoires, peuvent être annulées. «Cette décision représente un tsunami judiciaire qui aura des répercutions sur de nombreuses procédures» a dit la défense d’Yvan Colonna. Les médias se sont empressés de commenter cette décision en excluant le «cas Colonna». Mais si la défense ne pourra pas réclamer la nullité des gardes à vue initiales des membres du commando qui ont mis en cause Yvan Colonna, il n’en reste pas moins que, constituant le seul élément de l’accusation, ces mises en cause ne devront pas être retenues par la Cour pour fonder une condamnation. La défense ne manquera pas bien sûr de plaider en ce sens.
31 mai. La téléphonie révèle les mensonges du commando
Ce 31 mai, deux experts en téléphonie étaient également cités à la barreen qualité de témoin, l’un (M. Legibre) par la partie civile, l’autre (M. Agnel) par la défense. M. Agnel précise avant de déposer qu’il effectue là sa 550ème mission, 90% l’ont été en matière pénale, qu’il est très fréquemment commissionné par l’accusation et qu’il vient d’être tout récemment saisi par la JIRS de Marseille qui lui fait «une totale confiance». Dans son rapport, il note des éléments importants passés sous silence par les enquêteurs: sur cinq mois de relations téléphoniques (de septembre 1997 à février 1998) l’enquête constate 151 appels entre Alain Ferrandi et Pierre Alessandri et relève 8 appels seulement entre Alain Ferrandi et Yvan Colonna! Deuxième constat: du 5 février 1998 au 8 février 1998, 162 appels sont passés entre Alain Ferrandi et les autres membres du commando condamnés, mais seulement un seul appel avec Yvan Colonna. M. Agnel apporte ensuite la démonstration qu’il existe des contradictions spectaculaires et gravissimes mettant à mal le scénario validé par les enquêteurs notamment sur le trajet d’Alain Ferrandi et de Didier Maranelli. D’après les dires du commando, le départ pour la scène du crime s’effectue du hangar de Baleone, situé au nord-est d’Aiacciu. Or, les impulsions relevées activent la borne opposée (nord-ouest d’Aiaccciu, Iles des Sanguinaires) !
Après les échanges à la barre, l’expert des parties civiles, M. Legibre ne peut pas exclure qu’Alain Ferrandi ne soit pas sur la zone du crime. Il le situe lui-même à 200 mètres !
En clair, le scénario de l’accusation est complètement faussé, les «aveux» des membres du commando sont totalement remis en cause, et s’ils ont menti pour le scénario, ils ont menti en impliquant Yvan Colonna.
1er juin. La «déontologie» de Follorou
Jacques Follorou, journaliste du Monde pensait peut-être échapper à son audition lorsque le 20 mai dernier, il était resté dans le public faussant le débat. Souhaitait-il être rejeté comme témoin? C’est lui qui rédigea l’article du Monde le 21 mai 1999 (journal paru le 22 mai, daté du 23) qui incriminait Colonna, alors que les membres du commando ne l’avaient pas encore fait. En clair, c’est une source policière qui a renseigné Follorou. C’est dire que les enquêteurs avaient déjà en tête le scénario de l’implication de Colonna et qu’ils ont très bien pu le «souffler» aux membres du commando, comme l’affirme la défense depuis le début. Gêné à la barre, le journaliste refuse de répondre aux nombreuses questions de la défense invoquant la déontologie journalistique et la protection des sources. Extraits :
Maître Gilles Simeoni : «On se rend compte que dans ce que vous écrivez, alors même que rien n’a transpiré des gardes à vue commencées la veille, vous présentez presque intégralement le scénario présenté par les policiers aux gardés à vue et qu’ils reprendront à leur compte… vous confirmez aussi les surveillances dont ont fait l’objet les frères Colonna… vous confirmez Alain Ferrandi pivot entre les cellules nord et sud… vous confirmez le télescopage de deux événements, la convocation de Bonnet et les interpellations… Vous confirmez en fait dans votre article que les enquêteurs s’étaient forgé de façon certaine des convictions, notamment concernant Yvan Colonna!!!Un commentaire?»
Jacques Follorou : «Je ne tiens pas à répondre, je m’en tiendrai à ma position…»
Yvan Colonna : «M. Follorou, je voudrais vous demander malgré votre refus de répondre à mes avocats, de faire un effort… vous savez parfaitement ce que je risque dans ce box, faites une entorse à vos principes…»
Jacques Follorou : «Non, je regrette».
1er juin. Yvan Colonna n’était pas à Petrusella
Un témoignage important (un de plus) qui innocente Yvan Colonna dans l’affaire Petrusella. Le 6 septembre 1997, soir de l’attentat contre la gendarmerie où l’arme du crime a été dérobée, Yvan Colonna dînait avec son fils dans le restaurant de Paul Donzella à Carghjese. M. Donzella est venu redire à la barre ce qu’il a dit aux enquêteurs et au juge Thiel: le 6 septembre 1997, entre 22 heures et 23h15, Yvan Colonna mangeait dans son restaurant. L’attentat s’est produit aux environs d’une heure et il faut au bas mot une bonne heure et demie pour joindre Petrusella de Carghjese. Impossible donc pour Yvan Colonna d’être à Petrusella. Le témoignage est capital. D’autant qu’aucun élément matériel n’implique Yvan Colonna dans l’attentat, et que les témoignages des membres du commando et de leurs épouses qui l’accusent sont confus et contradictoires.
Autre témoignage important concernant Petrusella, celui de Sylvie Cortesi. Elle aussi affirme qu’Yvan Colonna était à Carghjese le 6 septembre 1997. Elle a parlé avec lui sur la place du village tandis que leurs enfants jouaient ensemble : «Je suis sûre et certaine qu’il était sur la place ce soir-là». Avant de lever la séance pour le break de l’Ascension, la Cour annonçait que la “reconstitution” se tiendrait bien ce lundi 6 juin à Aiacciu.
6 juin. La reconstitution
C’est un point important pour la défense. Même si cela ne peut être une vraie reconstitution, du fait de l’absence des acteurs (mis à part Pierre Alessandri, les autres membres du commando ont refusé d’y participer), de l’absence des témoins visuels, et de la modification des lieux, 13 ans après les faits (des travaux sont intervenus depuis dans la rue, l’éclairage n’est plus ce qu’il était alors etc). Reste que les parties se sont retrouvées sur la scène du crime, en présence de Yvan Colonna, Pierre Alessandri, le légiste et deux experts balisticiens. Les constatations sur place permettront-elles de mieux comprendre le déroulement des faits et d’éprouver les déclarations initiales des membres du commando? La défense en a toujours été persuadée, confronter sur place la balistique et les dires des acteurs ne peut qu’innocenter Yvan Colonna.
Ce qui est révoltant, au bout de 13 ans de procédures et 12 ans de galère judiciaire pour Yvan Colonna et sa famille, c’est qu’il incombe toujours à la défense de solliciter et de faire procéder à des actes essentiels à la “manifestation de la vérité” : expertise balistique (taille du tireur, supérieure à 1,72m), expertise de la téléphonie (contradictoire par rapport aux déclarations du commando), confrontations, reconstitution en présence des experts balisticiens et légiste (examen contradictoire essentiel).
“On demande encore et toujours à Yvan Colonna d’apporter la preuve de son innocence, alors que l’accusation n’a toujours pas apporté celle de sa culpabilité” dénonce le Comité de soutien, “en terme juridique cela s’appelle “le renversement de la charge de la preuve”, concrètement, cela veut juste dire qu’on ne veut pas d’un Yvan Colonna innocent”.
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