“… Pourtant la langue Corse est belle, sur son lit de mort. Autour, assis ou debout dans cette petite chambre, trop petite pour cette si belle occasion, tous l’aiment ou l’ont aimée, tous l’ont entendue parler, ou toujours ou souvent, sans jamais penser la voir partir ainsi un jour.
Pour nos pères, elle en était même devenue immortelle. Dans cette chambre, aujourd’hui, tous pleurent, même ceux qui n’étaient jamais venus la voir. Beauc oup parlent de cette longue maladie qui l’a finalement emportée. “Et si on s’en était aperçu à temps … Et si au lieu de la soigner dans de mauvaises conditions au village, on l’avait portée à Paris, voir les grands professeurs… ” . Moi, je croisais ce jour là, des visages, amis, famille, inconnus ; calé sur le pas de la porte, je fixais de longues minutes certains de ses nombreux enfants.
Il y avait ceux qui étaient restés désespérément à son chevet, jusqu’aux instants ultimes où on lui avait prescrit cette morphine budgétaire. Il y avait ceux qui téléphonaient de temps en temps mais qui avaient toujours une belle excuse pour ne pas perdre « leur temps » et même ceux que nous n’avions jamais vus, qui l’avaient quasiment abandonnée à son sort; le comble c’est qu’ils avaient participé à payer les notes de clinique puis d’hôpital et qu’ils parlaient aujourd’hui de funérailles somptueuses.
Ils parlaient plus que les autres, parce que la peine des uns les rendait muets. Oui, ils parlaient, si je me souviens bien, de désastre et d’héritage, presque de manière indécente, et en tout cas trop légère et fort, très fort, par crainte qu’on ne les entende. Cette mort paraissait finalement relever pour eux, encore une fois, du spectacle, de la parade et du soulagement, bref d’un « paraître » coutumier. Chacun y allait de son excuse pour expliquer, comprendre et conclure.
J’en arrivais, toujours sur le pas de la porte, à chercher les orphelins. Y avait-il dans cette pièce un orphelin ? L’avis de décès, ou plutôt les dizaines d’avis de décès remplissaient les pages du journal local. Associations, intellectuels, politiques, même le préfet et les syndicats avaient pondu le leur…
Dans un coin de la chambre, deux enfants qui n’avaient jamais su qu’elle était en fait arrivée en fin de vie, qui ne s’étaient jamais inquiétés de savoir si la mort existe, deux enfants parlaient avec des mots qu’elle seule aurait pu comprendre.
In più bella, eccu chìmi discetu è, lestu lestu, m’arrizzu. U postu cappia un cantu di A Filetta : « È puru simu quì ! ». Cristacciu, cumu serà chì certe notte m’accade di sunnià chì u tempu ci vene cortu, troppu cortu ? Troppu tardi ?…
À suivre …
Corsica Infurmazione, L’information Corse
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