La nuit bleue anti-résidences secondaires menée par le FLNC-UC dans la nuit du 7 décembre a remis la Corse sous les projecteurs médiatiques en France. Manuel Valls, désormais en première ligne sur le dossier corse, a fait face durant le week-end à des médias pressants en portant un discours convenu sur « la Corse, c’est la France, c’est la République ».
Et il a dessiné une ligne politique : s’appuyer sur la violence, en amalgamant le « politique » et le « droit commun », pour rejeter les évolutions institutionnelles attendues par la majorité des Corses.
Le jeudi soir, quarante huit heures avant et à la veille de la nuit bleue, Manuel Valls avait passé deux heures dans l’émission politique de France 2, questionné par plusieurs journalistes. Et, alors qu’il revenait à peine d’un voyage sur l’île avec Christiane Taubira, il n’avait pas abordé une seule fois la question corse. Cette omission manifestement intentionnelle était le signe d’une mise en attente du dossier, pour donner « du temps au temps » avant d’avancer des options définitives. Ce recul, sensible lors du second voyage en Corse, semblait nécessaire pour que l’Etat prenne le temps de la réflexion et du dialogue, notamment en rapport avec les travaux de l’Assemblée de Corse qui va débattre cette semaine des propositions de la Commission Chaubon.
Face à la nuit bleue du FLNC, le Ministre de l’Intérieur en est revenu à ses premiers discours, à une variante près : « les Corses ne parlent pas » s’est mué en « les élus corses ne condamnent pas ». Mais le sens profond est bien le même qui promet la fermeture avant tout, et donc un regain de tension pour les mois à venir.
Les premiers bénéficiaires de cette nouvelle volte-face seraient le FLNC le plus extrémiste et l’Etat jacobin le plus intransigeant, ceux-là mêmes qui rejettent toute démarche « réformiste » en adoptant des attitudes de rupture. Sauf que cette voie politique, on la connaît, et on sait où elle mène : dans l’impasse et dans les drames.
Que le gouvernement soit obligé à une posture « sécuritaire », c’est probablement incontournable face aux assauts médiatiques que la violence en Corse provoque, et qu’elle risque malheureusement de provoquer encore car rien ne semble en mesure d’enrayer l’enchaînement des meurtres alors qu’un nouveau crime a été perpétré à Calvi.
Ce qui est le plus préoccupant dans la position de Manuel Valls, c’est le retour de la rengaine entonnée en son temps par Charles Pasqua avec Robert Broussard, puis par Jean Pierre Chevènement avec Bernard Bonnet, sur le thème de l’amalgame entre le banditisme et le nationalisme. Face à l’opinion publique française en général, c’est l’assurance d’être gagnant à tous les coups, tant la vulgate anti-corse est répandue dans les médias, et affichée à la une par les éditorialistes, avec la palme à Christophe Barbier de l’Express. Mais face à l’opinion corse, c’est l’option forcément perdante : le mouvement nationaliste ne ferait pas 36% des voix s’il devait en être autrement !
Or, au bout du compte, le segment d’opinion déterminant ne sera pas celui des 60 millions de français, mais celui des 300.000 corses, car c’est en Corse que se fera, et se vivra, l’avenir de la Corse ! Aussi, le discours de Manuel Valls qui consiste à mettre dans le même sac les clandestins nationalistes et les bandits de droit commun, en y ajoutant les « élus complaisants », en fait ceux qui ne s’alignent pas sur Nicolas Alfonsi ou Emile Zuccarelli, c’est-à-dire une très large majorité des élus corses, ne mène nulle part si ce n’est à l’échec assuré.
Dans la tempête médiatico-politique actuelle, l’important est que le début de construction politique réalisé par l’Assemblée de Corse résiste aux vents contraires et aux déstabilisations d’où qu’elles viennent. Que ce soit celle d’un FLNC soucieux de marquer son territoire alors que les évolutions internes à la famille nationaliste ont donné une large prédominance à la démarche Femu a Corsica, suivant en cela les évolutions observées ailleurs en Europe, notamment en Ecosse, en Catalogne, et même, désormais, au Pays Basque. Ou que ce soit celles des élus corses les plus jacobins qui essaient d’amener le gouvernement sur la voie du conservatisme le plus étroit.
Si le peuple corse est uni, les barrières du jacobinisme français seront progressivement balayées. Après le statut Defferre de 1982, le statut Joxe de 1992, la réforme Jospin de 2002, l’acte IV de l’évolution instutionnelle de la Corse doit intervenir, et matérialiser la marche en avant vers une autonomie réelle.
Aujourd’hui, le peuple corse peut s’unir largement sur la revendication d’une révision de la constitution qui, en ouvrant une « fenêtre constitutionnelle » spécifique à la Corse, permettrait de porter des revendications essentielles pour l’avenir : langue, foncier, autonomie fiscale, etc. Cette réforme serait une évolution capitale, et, dans le cadre de l’Europe, la stratégie réformiste est la seule qui soit adaptée pour porter sur le long terme la revendication nationale du peuple corse.
Corsica Infurmazione, L’information Corse
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