« Le collectif appelle les politiques à prendre leurs responsabilités » : c’est sous ce titre que le quotidien La Corse-Nice Matin a rendu compte d’une conférence de presse organisée le 20 mai dernier1. C’est un collectif regroupant 19 associations et mouvements politiques qui interpelle « les politiques » sur un sujet de société : la consommation de drogues. Le nom de ce collectif est d’ailleurs très explicite, puisqu’il s’agit de : « A DROGA FORA ».
Les préoccupations des membres de collectif concernent principalement la diffusion et la consommation de substances illicites2 au sein de la société corse et en particulier parmi la jeunesse de notre pays.
Il est aussi question d’interventions dans les établissements scolaires et d’une éventuelle manifestation.
Cette communication, (indubitablement fondée sur de très légitimes préoccupations), soulève toutefois des interrogations sur plusieurs points. En effet si les « politiques » se doivent d’intervenir, reste à savoir sur quoi et comment.
La condamnation de ce que d’aucuns qualifient de « fléau » sera unanime. Mais au nom de quel principe ? Si c’est de morale dont il est question, alors un doute immédiat s’installe. Le système dans lequel nous vivons ou survivons pour certains d’entre nous, ne s’embarrasse en rien de morale. L’idéologie dominante (celle des Berlusconi, Sarkozy et consort) fonde ses arguments sur la réussite individuelle et fait la promotion de la compétition à outrance. Tout y a un prix, l’homme, la nature et les consciences elles-mêmes. Les substances illicites d’aujourd’hui sont avant toute chose des produits mis sur un marché dont les règles sont point par point celles du marché dont les libéraux font l’apologie. Les dealers sont des « self-made-men » aux méthodes calquées sur le modèle dominant. En cela, ils ne sont pas plus ou moins moraux que ceux qui fourguent du nucléaire, des armes et de la nourriture chimique au détriment du bien commun. Les Etats et les gouvernements des grandes puissances recouvrent leurs méfaits des oripeaux de l’ONU et donc les dissimulent sous l’apparence d’une certaine légitimité. Et comme si cela n’y suffisait pas, ils n’hésitent pas à user d’autres violences pour se tailler des parts de marché. Ceux des « politiques » qui s’accommodent ou plus explicitement font la promotion de ce système sont disqualifiés d’emblée. C’est un peu comme si l’on demandait à LE PEN de se prononcer pour le respect des droits de l’Homme !
Un autre sujet de questionnement apparaît également tout aussi nettement. Si la cocaïne, l’héroïne et le cannabis font l’objet d’une consommation très soutenue, il en va de même de l’alcool. La nocivité de ce produit n’a rien à envier aux autres substances. A ceci près qu’il est en vente libre, tout comme le tabac. Aucun collectif ne se propose de proscrire l’alcool et de lui déclarer une guerre à outrance. Pour quelle raison ? Serait-il plus « culturellement » correct ? Les cimetières et les établissements de soins sont remplis de personnes qui payent ou ont payé un très lourd tribut aux lobbies de l’alcool. Vous avez dit morale ? Ces faits incontestables ne justifient en rien que l’on néglige les conséquences d’autres consommations ou addictions. Mais il est périlleux et contestable que l’on se mobilise, au nom d’une morale sous-jacente, pour dénoncer sans autre forme de précaution, ce qui reste et doit demeurer dans le champ des comportements humains.
Depuis l’aube de l’humanité, l’Homme a trouvé sans nécessairement les chercher, des plantes, substances naturelles comme les champignons et autres boissons dont à l’évidence il a fait consommation. Il en a mesuré les effets, voire les méfaits. Il en a même apprécié les sensations que cela lui procurait. L’homme s’en est servi dans le cadre de pratiques spirituelles ; par cet usage, il est aussi souvent passé de vie à trépas. A moins de vouloir condamner l’humanité, comme le font certains intégristes de toutes obédiences, on se doit d’admettre que ces tentations seront toujours présentes. Nier que le désespoir et les problèmes qui en découlent sont nécessairement la cause de consommations de substances dites toxiques revient à amputer l’humain d’une de ses dimensions : son univers mental. L’approche complexe de cet univers présuppose que l’on fasse du libre- arbitre une donnée fondamentale. Certes cette notion relève de l’idéal tant les conditionnements sociétaux et culturels jouent de leurs influences. Mais il n’empêche. En gardant à l’esprit cette préoccupation, on s’évitera des accès de toute puissance et on fera barrage à certaines idéologies totalitaires et xénophobes, lesquelles se proposent dans un premier temps de dire le bien et dans un deuxième temps de désigner à la vindicte publique les mécréants, les déviants ou les groupes « ethniquement nocifs ».
Nous préférons pour notre part, toute politique, nous adresser à l’intelligence de chacun ; intelligence s’entendant comme une potentialité présente en chacun. Intelligence qui permet de déterminer pour soi ce qui relève de la gestion de son corps et de son esprit. Cela commence tôt, dès la prime enfance. Et nous ne sommes pas égaux dans la possibilité de développer une conscience pour soi, premier pas en direction d’adhésions ou de refus. C’est pourquoi, entre autres arguments, nous prenons le risque de ramer à contre courant. Il est de notre volonté de continuer sans relâche à proposer une alternative politique qui passe par une révolution. Pour l’heure nous ne cessons de réclamer, de revendiquer, d’exiger des moyens pour les services publics socialement utiles. En plaçant l’Homme au centre des préoccupations, le politique ne peut que créer concrètement les conditions favorables à cela :renforcer considérablement les moyens du système éducatif, redonner à la protection maternelle et infantile sa place au cœur des dispositifs, exiger sans concession l’application totale des droits à la santé et au logement. Voilà quelques pistes que nous soumettons au débat.
Qu’il nous soit permis de saluer ici tous les professionnels de santé et les travailleurs sociaux qui œuvrent sans relâche afin d’accompagner et soulager toutes celles et ceux qui souffrent. En les soutenant dans leurs actions et leurs revendications, l’on peut envisager une autre façon d’exercer les solidarités. Il n’y pas de fatalité. Ce système pourri jusqu’à la moelle ne s’effondrera pas tout seul. Il nous faudra l’y pousser. Gardons-nous d’ici cette échéance, de la Réaction. Elle peut, en détournant la colère des peuples, désigner des coupables et contraindre sans convaincre.
U CAPITALISIMU FORA ! SCULUNIZAZIONE ! Deux mots d’ordre respectueux de l’Humanité, voilà ce qui nous semble permettre de chasser la BARBARIE.
Vandepoorte Serge. A Manca.
1 Associu di i parenti corsi, Ghjuventù paolina, Cunsulta di a ghjuventù corsa, Associu di i liceani corsi, Ghjuventù tocca à noi, Ghjuventù arritta, Ghjuventù vagabonda, Bastia 1905, L’orsi ribelli, le gallia club athlétisme de Lucciana, STC università, A squadra corsa, l’Attrachju, le Crij, PNC Ghjuventù, A chjama naziunale, Scelta para et Corsica libera. (Source La Corse-Nice matin du 20/05/2011).
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