Ceux qui imaginaient tenir les clandestins à l’écart de la question foncière ou des grandes manœuvres institutionnelles en sont pour leurs frais. Les trois grandes évolutions concernant les institutions insulaires et les deux amnisties en faveur des militants nationalistes sont à porter au crédit des socialistes qui viennent d’accéder aux responsabilités.
Les résultats obtenus par Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni lors des Législatives, venant après ceux des Territoriales de mats 2010, semblent promettre aux autonomistes de Femu a Corsica d’accéder prochainement au pouvoir. Pourtant, depuis quelques semaines, les clandestins multiplient les interventions. Au début du mois de mai, des attentats ont visé une vingtaine de résidences secondaires et ont été revendiqués par le FLNC.
Au début de ce mois, à Bonifacio, un commando s’est attaqué en plein jour à un complexe résidentiel. Enfin, il y a quelques jours, des militants du FLNC se réclamant d’un pluralisme au sein de ce mouvement, ont tenu une conférence de presse nocturne quelque part en Haute-Corse. Quelle signification peut-on donner à cette recrudescence de l’action clandestine ? Faut-il y voir une radicalisation ou une volonté de remettre les pendules à l’heure ?
La seconde hypothèse est probablement la bonne. Ainsi, en revendiquant les attentats de mai dernier, le FLNC a pris soin de souligner que ces actions ne constituaient pas une mise en garde à l’encontre du nouveau pouvoir politique, mais s’inscrivaient dans un long combat contre les menaces spéculatives. Les clandestins ont d’ailleurs précisé : « Nous ne laisserons pas s’installer plus de 4.500 résidences secondaires par an (…) La terre corse doit rester possession entière du peuple corse. » De plus, ils n’ont pas oublié d’indiquer qu’ils considéraient François Hollande et le nouveau gouvernement comme les héritiers des gouvernants socialistes ayant permis l’instauration des statuts des années 1980, 1990 et 2000. Enfin, en préconisant que l’Assemblée de Corse prenne des mesures essentielles et que l’État s’engage dans un processus de règlement politique, ils ont montré qu’ils n’étaient pas hostiles à la méthode de François Hollande consistant à laisser aux conseillers territoriaux le soin de proposer des évolutions institutionnelles ou des mesures dérogatoires prenant en compte des spécificités corses.
Les clandestins qui ont tenu une conférence de presse nocturne ont quasiment tenu le même discours. Qu’ils se soient présentés comme l’expression d’une différence et d’une volonté de pluralisme au sein du FLNC, ne change rien à l’affaire. Ces clandestins ont dénoncé la spéculation foncière et immobilière et invité le président de la République et son gouvernement à « une ère nouvelle de partenariat. »
Acteurs incontournables
Si les clandestins privilégient l’option du dialogue avec l’Etat à partir de propositions formulées par les élus territoriaux, ils n’ont en revanche aucune envie de s’effacer. En effet, leur retour au premier plan laisse aussi apparaître une volonté de remettre les pendules à l’heure. En premier lieu, ils font part de leur vigilance concernant le règlement de la question foncière. En effet, les récents attentats qu’ils ont perpétrés, mais aussi leurs dernières interventions médiatiques, invitent manifestement la majorité territoriale à presser le pas concernant l’élaboration du PADDUC et les promoteurs à lever le pied. « Nous frapperons quand nous voulons et où nous voulons, quelle que soit l’importance de la construction ou de son propriétaire » a déclaré le FLNC dans les colonnes d’un mensuel.
Cette pression exercée sur le pouvoir territorial et les promoteurs, trouve sans doute son explication dans l’accentuation de l’impuissance des maires face à la spéculation, ainsi que dans les contorsions de la justice administrative qui annule ou valide les PLU et dont on se demande quelles sont ses définitions du « hameau nouveau » ou de la « construction en continuité ». Ainsi, en mai dernier, la Cour d’appel administrative de Marseille, a qualifié de « hameau nouveau intégré à l’environnement » trois villas d’Alain Lefebvre édifiées sur le plateau de Balistra à Bonifacio, reconnaissant au banquier parisien le droit de construire dix villas de plus. Ainsi, ces derniers jours, il est apparu que la commune de Piana, longtemps considérée comme un modèle de résistance à la promotion immobilière, préconiserait un PLU pouvant transformer le secteur de la plage d’Arone en station balnéaire. Mais les clandestins entendent aussi remettre les pendules à l’heure dans la perspective d’une solution globale.
En effet, les velléités autonomistes de Paul Giacobbi et les progrès électoraux des autonomistes, leur font craindre d’être tenus à l’écart des « grandes manœuvres » et de voir diluée ou dénaturée la revendication nationaliste. Ils sont d’autant plus inquiets que les autonomistes, qui ignorent l’appel de Corsica Libera à l’unité des nationalistes, sont encore loin, malgré leurs avancées électorales, de pouvoir accéder au pouvoir en position dominante. Aussi le regain d’attentats enregistré ces dernières semaines et certaines déclarations s’inscrivent au moins autant dans cette lecture politique, que dans le souci de protéger la terre corse de la spéculation.
Les partisans d’une clandestinité plurielle ont d’ailleurs été très explicites lors de leur conférence de presse nocturne. Tout en démentant une opposition entre autonomistes et indépendantistes, ils ont affirmé être disposés « à participer à un règlement politique », appelé le « gouvernement de la France à prendre la mesure de cet engagement », demandé à leurs « frères patriotes » de Femu a Corsica de couper avec le pragmatisme et l’électoralisme, et rappelé que « le mouvement indépendantiste public, par sa présence politique et sa représentation » constituait « une donnée fondamentale dans la résolution du conflit franco-corse. »
Traduire : « Nous sommes et entendons rester des acteurs incontournables ».
Pierre Corsi
http://www.jdcorse.fr/JDC2/index.php
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