Le nouveau Président de la République a eu en apparence le plus prévisible des parcours pour arriver à la tête de l’Etat : Science Po, ENA pour son côté «commis de l’Etat», leader de longues années durant du premier parti politique d’opposition pour son positionnement d’attente de l’alternance. Il apparaît pourtant assez atypique comme dirigeant politique, et son parcours politique s’est effectué dans la difficulté.
C’est l’alternance qui porte François Hollande à la tête de l’Etat français. En effet, le vote de dimanche dernier est davantage celui d’une page que l’on tourne, celle de Nicolas Sarkozy, que celui d’un destin nouveau auquel on croit véritablement. Pour cela, il faudra attendre et voir si le changement annoncé est véritablement au rendez-vous, et, même pour ceux qui ont voté François Hollande, le scepticisme est grand !
Cette alternance sera d’abord profitable à l’Europe. L’imprimatur de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à la tête de l’Union Européenne a été catastrophique. On mesure en Grèce aujourd’hui, avec l’arrivée en force des formations politiques les plus extrémistes sur les bancs de l’Assemblée législative, à quel point cette politique, essentiellement punitive, était à courte vue, sans aucune perspective ni espoir pour les peuples les plus affectés. L’avenir même de la construction européenne était en péril, et, pour la Grèce, il est peut-être déjà trop tard
Depuis quelques semaines, enfin !, des voix s’élèvent pour favoriser une politique qui, sans relâcher l’effort de rigueur dans la gestion de l’argent public, mène dans le même temps un réel effort pour développer l’activité et l’emploi dans les pays les plus atteints par la crise économique. Ces voix s’entendent y compris au sein de la Banque Centrale Européenne ; c’est dire si Sarkozy et Merkel ont été sourds et aveugles ! D’ailleurs, c’est beaucoup sur cette question de la crise européenne, et des solutions à y apporter d’urgence, que Nicolas Sarkozy a été définitivement décroché par son rival socialiste dans la dernière partie de la campagne électorale.
Son autre avantage flagrant, François Hollande l’a pris sur ce qui est une question centrale de la vie publique : la confiance. Le crédit de confiance de François Hollande dans l’opinion tient avant tout à son parcours «d’homme normal», comme il a aimé à le répéter tout au long de sa campagne. Mais l’essentiel de son avantage tient avant tout au discrédit qui a entouré le mandat de Nicolas Sarkozy. Cela tient à ses liens avec la haute finance et l’oligarchie économique, ostensiblement affichés dès son entrée en fonction. Cela tient aussi à son obsession à contrôler et museler les médias, jusqu’à demander, et obtenir, la «tête» d’un rédacteur en chef (Paris-Match), ou à tenir à tout prix à désigner directement les directeurs des chaînes publiques. Cela tient encore à ses projets de bafouer l’indépendance de la Justice à travers des réformes scélérates supprimant l’indépendance de l’instruction. Et, par dessus tout, l’affaire de Karachi en 2002, puis celle des financements illégaux organisés par le couple Woerth pour sa campagne victorieuse de 2007, ont progressivement convaincu les Français que ce Président sortant faisait courir un risque réel s’il continuait à occuper le sommet de l’Etat.
Ce risque, les Français ne le ressentent pas à travers François Hollande. Trente années de vie publique sans s’être entendu reprocher grand chose plaident pour lui. Son parcours est d’une logique imparable : l’accès aux allées du pouvoir en rejoignant le très restreint cursus de formation des élites politiques de la France, puis la prise des responsabilités les plus élevées au sein du premier parti politique d’opposition. Pourtant ce parcours en apparence tout tracé a été beaucoup plus ardu que ça. La primaire socialiste ne l’a jamais donné favori, alors que Dominique Strauss-Kahn crevait les plafonds dans les sondages et les salles de presse. Et il lui a fallu attendre jusqu’au bout la reconnaissance médiatique de journalistes qui ont toujours minimisé sa stature de présidentiable.
En se portant candidat, puis en menant campagne sans prêter attention aux critiques, François Hollande a forcé son destin.
La Corse n’est pas dans ses priorités, mais elle sera de toutes façons dans son agenda, ne serait-ce qu’à travers le dossier de la réforme des Collectivités Territoriales que le futur gouvernement devra reprendre de fond en comble. La gouvernance annoncée devrait être beaucoup plus «déconcentrée» que sous l’ère Sarkozy, où tout était régenté depuis l’Elysée. L’action gouvernementale sur cette question pèsera certainement beaucoup dans la réforme finale, et le «Ministre interlocuteur» aura une très grande importance, comme l’avait eue Pierre Joxe en son temps. La commission Chaubon va rendre sa copie lors d’une des prochaines sessions de l’Assemblée de Corse, et, à partir de là, la négociation va s’engager. Entre-temps, les législatives auront rendu leur verdict pour, je l’espère vivement, mettre en situation favorable de négociation le mouvement nationaliste.
La donne politique est donc en train de changer. Au jour d’aujourd’hui, les dés continuent de rouler. Dans quelques semaines à peine, nous serons fixés.
François ALFONSI
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