Candidat Corsica Libera sur Corte-Balagne, Petr’Antone Tomasi brigue pour la première fois les suffrages sur un scrutin uninominal. A 24 ans, il incarne, avec d’autres, la relève du mouvement indépendantiste.
Déjà membre de l’exécutif de Corsica Libera, l’ancien syndicaliste étudiant monte en première ligne à l’occasion de ces élections législatives. Un vrai test pour Petr’Antone Tomasi sur une deuxième circonscription de Haute-Corse sur laquelle, une fois encore, Paul Giacobbi fait figure d’épouvantail. Le jeune militant indépendantiste fait toutefois campagne avec conviction, en porte-parole des grandes revendications de son mouvement, à l’écoute des préoccupations de l’électorat, du littoral jusqu’aux villages les plus isolés de l’intérieur.
Que vous disent les gens que vous rencontrez lors de vos tournées électorales ?
Il existe une vraie crainte de dépossession, y compris chez ceux qui n’ont jamais voté nationaliste. Ils s’interrogent. Comment transmettre quelque chose aux enfants ? Ces enfants vont-ils pouvoir acheter un bien, avoir leur bout de terre, travailler chez eux ? Le sentiment d’abandon est là aussi. Dans les villages, on entend parler de lutte conte la divagation des bovins, de la survie d’un bureau de poste, sans pour autant avoir l’impression, au-delà des slogans, qu’il existe un vrai plan de développement. Le Padduc apparaît comme l’outil exclusivement confiné au littoral, qui oublie 80 % du territoire. Enfin, la défiance envers un système clientéliste pernicieux se manifeste.
Votre circonscription, c’est à la fois le littoral le plus touristique et l’intérieur le plus désertifié. Les préoccupations diffèrent-elles ?
Bien que les réalités soient différentes, ce sentiment de dépossession constitue un point commun. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 60 % des biens immobiliers acquis par des personnes étrangères à la Corse, 2.000 % d’augmentation du prix du foncier, avec la fin imminente des arrêtés Miot. Face à ce constat, nous persistons à affirmer qu’il n’y a pas de fatalité, que les solutions existent. Pour nous, seule l’instauration d’une citoyenneté corse aurait des effets sur les conditions d’accès au foncier et au logement, la lutte contre la spéculation immobilière. Cette citoyenneté corse constituerait aussi une entrave à la dérive criminelle qui prospère grâce à la spéculation immobilière, le trafic de drogue et la mainmise sur certains marchés publics. Ce dont l’île a besoin, c’est de transparence : la création d’une « cour des comptes corse », la mise en place d’un code des investissements pour garantir l’éthique dans la provenance des fonds. Enfin, la citoyenneté doit également se matérialiser au niveau de la corsisation des emplois. Avec sa loi sur l’emploi local voté en 2010, la Nouvelle-Calédonie a démontré que c’était faisable.
Un indépendantiste candidat aux législatives françaises, ça ne vous pose aucun problème ?
À tort ou à raison, on s’est longtemps privé de ce terrain de lutte. Il s’agit pour nous, désormais, d’investir tous les terrains, y compris celui des élections législatives. Le seul moyen d’avancer, aujourd’hui c’est d’obtenir une révision de la constitution. Notre candidature peut rassembler les Corses autour de cette volonté. Un score élevé de Corsica Libera en serait l’illustration.
François Hollande président, le terrain est plus favorable pour vous ?
Il s’est prononcé pour une ratification de la charte sur les langues régionales, mais il est timide, voire fermé, sur une évolution institutionnelle. Plutôt que compter sur l’arrivée de la gauche au pouvoir, je pense qu’il vaut mieux compter sur nous-mêmes. Pourquoi ne pas présenter notre propre projet au pouvoir parisien ? Le projet d’une majorité forte favorable au progrès, celui des nationalistes qui parleraient d’une seule voix, mais aussi celui d’une pluralité d’opinions qui saurait se retrouver sur les grandes questions engageant l’avenir de la Corse.
La candidature Corsica Libera risque-t-elle de faire les frais des divergences internes ?
L’assemblée générale qui s’est tenue dans la transparence en février est derrière nous. Corsica Libera existe toujours, garde son assise. On nous annonçait l’explosion mais nous sommes en ordre de marche pour les années à venir. Les discussions internes sont peu intéressantes par rapport au sursaut collectif qui est au cœur du débat.
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