Jean-Christophe Angelini est incontestablement la figure montante de la politique insulaire. Outre la percée du courant nationaliste qu’il porte avec Gilles Simeoni, c’est sa victoire face à Camille de Rocca Serra, à la dernière cantonale, qui l’a mis sous les feux des projecteurs. Une victoire à la législative, résonnerait comme un coup de canon. Quelle signification faut-il donner à votre candidature ?
Je parlerais de deux grandes significations. La première est de rompre avec un système où le travail du député ne consiste pas à défendre l’intérêt général, ni même celui de sa circonscription, mais à jouir d’une rente politique et à quémander divers avantages dans les ministères afin de les redistribuer à ses partisans. Je veux être pour ma part un député au plus proche du terrain, à l’écoute de la population, et portant au plus haut niveau des institutions la voix de la Corse. La deuxième est d’incarner un nationalisme nouveau, ouvert, assumant résolument l’héritage des décennies écoulées, mais fermement décidé à aller au-delà, pour en concrétiser lui-même les plus grands espoirs. Si nous voulons transformer notre île, construire avec d’autres un avenir meilleur, nous devons affirmer non seulement une vision globale de l’avenir, mais surtout des propositions précises et réalistes, dans chaque domaine. C’est ainsi que nous gagnerons l’indispensable confiance, et que nous pourrons nous atteler à cette tâche aussi difficile que passionnante.
A celle de Paul Quastana ?
Celle que lui donne son mouvement, Corsica Libera. Je m’interdis de commenter les choix faits par d’autres formations que la mienne, concernant la désignation des candidats. Ceci étant posé, je respecte la personnalité de Paul Quastana, ses engagements, son action déterminée et reconnue à l’Assemblée de Corse. Je pense que nous convergeons sur de nombreux sujets relatifs au développement de notre île. Comme vous le savez, ni Femu a Corsica ni Corsica Libera ne souhaitent envisager pour l’heure d’offre politique commune. Au reste, lors des élections territoriales de 2010, les Corses ont plébiscité cette structuration du nationalisme en deux offres distinctes, avec un résultat dépassant toutes nos espérances : près de 36 % des suffrages ! Corsica Libera n’est pas pour nous un adversaire politique. Le socle de valeurs communes est très important, et nos relations de très bonne qualité. Si l’un des deux candidats nationalistes parvient au second tour, je suis persuadé que nos électeurs sauront, toutes tendances confondues, se hisser à la hauteur d’un enjeu historique.
Élu, sous quelle étiquette siégeriez-vous ?
Je veux pouvoir jouir d’une entière liberté pour défendre les intérêts de la Corse. Cela ne signifie pas pour autant que je refuserai tout contact avec les autres députés, et les groupes auxquels ils sont rattachés ! Pour atteindre mes objectifs, il me faudra nécessairement en convaincre un grand nombre, et donc m’inscrire dans une démarche plus collective. Je vous dirais pour l’heure que cette décision ne m’appartient pas exclusivement, et qu’elle relève d’un large débat politique, qui intégrera différents paramètres : les résultats des présidentielles tout d’abord, les accords politiques liant le P.N.C à Régions et Peuples Solidaires et Europe Écologie Les Verts, mais aussi les propositions des autres composantes de Femu a Corsica.
Quelle majorité parlementaire en particulier vous semblerait davantage compatible avec vos idées ?
La campagne présidentielle a montré qu’aucun des grands candidats ne n’est engagé sur la voie d’un règlement politique de la question corse. Il faut y voir dans une large mesure la volonté de ne prendre aucun risque politique. C’est un raisonnement calamiteux, mais qui ne permet pas de préjuger totalement de l’orientation que prendra le futur gouvernement. Je crois toutefois ne trahir aucun secret en vous disant que je ne siégerai pas dans l’actuelle majorité présidentielle ! En toute hypothèse, j’estime là aussi que la volonté, la force de travail et de conviction, l’énergie déployée seront tout à fait déterminants.
Au passage, peut-on légitimement considérer qu’un nationaliste puisse être de droite ou de gauche ? Si oui, où vous situez-vous ?
Bien évidemment. Nous ne sommes pas un groupe politique coupé du monde, qui réfuterait toute différence en son sein. Dans Femu a Corsica, comme au PNC, il y a des militants économiquement plus libéraux que d’autres, ou des adhérents qui peuvent être plus conservateurs que d’autres sur le plan des valeurs. Notre nationalisme ne consiste pas à nier ces sensibilités, mais à les transcender, à en extraire la richesse, et finalement à formuler une définition certainement plus pertinente de ce qu’est l’intérêt général. J’estime que les nationalistes doivent cesser d’écarter ce débat s’ils prétendent réellement exercer des responsabilités. En matière économique, je refuse l’économie administrée mais je juge que le libéralisme s’est assez largement dévoyé, notamment dans la financiarisation outrancière de l’économie. Je regarde avec intérêt les pays scandinaves, où la protection sociale est plus performante qu’en France tout en étant moins coûteuse, où les services publics sont d’excellente qualité, et où la liberté d’entreprendre est aussi bien supérieure à ce qu’elle est ici. En matière de valeurs, je peux m’affirmer libéral. Je ne crois pas que toutes les valeurs soient égales, mais je suis persuadé que toutes les cultures ont quelque chose à dire au monde. Je pense que les clivages traditionnels, au regard de l’accélération de la mondialisation, du choc durable de la crise financière, de l’émergence de nouvelles puissances démographiques et politiques, sont assez largement malmenés. La Corse a les moyens de définir un modèle de développement singulier, pertinent, profondément identitaire en même temps que connecté à des préoccupations universelles.
Quelles propositions ferez-vous au Palais Bourbon ?
Je chercherai à inscrire dans le débat parlementaire toutes les grandes questions portées par ma famille politique depuis des décennies : pouvoir législatif, transfert de la compétence fiscale à l’Assemblée de Corse, rétablissement de l’arrêté Miot, officialisation de la langue corse, statut de résident, développement massif des énergies renouvelables, suppression des juridictions d’exception… Jusqu’à présent, les parlementaires de la Corse n’ont pas toujours jugé bon de faire discuter ces questions par l’Assemblée nationale. Cela ne sera pas facile, car des filtres existent, mais j’y suis fermement décidé. Il n’est pas moins évident qu’il faudra s’adapter à la conjoncture. J’interviendrai chaque fois que cela me semblera important du point de vue de nos intérêts collectifs, qu’il s’agisse d’environnement, d’agriculture, de lutte contre la précarité, de logement ou de toute autre matière. Et je vous dirais, pour clore ce chapitre, que l’élection d’un député nationaliste, par-delà sa portée symbolique et médiatique, ouvrirait un cycle nouveau de relations entre la Corse et l’État.
Au-delà, n’oublions pas que vous serez un député de la France, vous serez amené à voter divers projets de loi. Vous positionnerez vous au coup par coup, en fonction de la pertinence des projets ? Serez-vous au contraire solidaire du camp qui pourrait agréer vos propositions ?
Précisons que l’Assemblée nationale représente en théorie le peuple français “un et indivisible”, mais qu’elle compte en pratique 577 élus locaux, défendant avant tout les intérêts de leur circonscription. Cela dit, je ne serais pas gêné de voter des mesures que je jugerais positives pour les citoyens corses, et qui le seraient aussi pour tous les citoyens français. Concrètement, il est très probable que je me positionnerai vis-à-vis de chaque projet, sans considérer uniquement celui ou celle qui le porte. Si je suis en capacité de négocier un accord politique avec un camp, ce que j’espère, peut-être devrais-je alors faire des concessions. Toutefois, je n’imagine pas de réelle contrainte, car je pense que le débat parlementaire est d’une autre nature, vraisemblablement plus noble, et donc moins partisane.
Votre candidature dans la 2e circonscription de Corse-du-Sud vous projette dans le 6e canton d’Ajaccio (soit dit en passant le plus gros canton de Corse). Trouvez-vous cela normal ? Anormal ? Ahurissant ? Scandaleux ?
Aucun doute : anormal, ahurissant et scandaleux. Qui pourrait trouver normal que les habitants de Pietralba et ceux des Cannes ne soient pas représentés par le même député ? Ce découpage est symbolique des pires turpitudes électoralistes. Une fois élu, je rendrai justice aux habitants du 6e canton, afin qu’ils soient dorénavant représentés par le même député que le reste de leur ville. Dans l’attente, je défendrai activement tous les dossiers liés à l’avenir de ces quartiers, qui souffrent au quotidien de problèmes d’insertion professionnelle, de logement ou de qualité de vie. D’où le forum participatif que j’organiserai courant mai, et qui associera dans un même élan de très nombreux acteurs de terrain.
Outre les propositions évoquées précédemment qu’est-ce que vos électeurs sont en droit d’attendre du député Angelini ?
Un député proche d’eux et de leurs préoccupations, qui ne vient pas les visiter uniquement à l’approche des scrutins. C’est le minimum que l’on puisse attendre d’un représentant du peuple. Le député sortant a globalement déserté la circonscription, si l’on retire peut-être les circonstances électorales et les visites ministérielles. À ces exceptions près, bien peu de citoyens l’auront vu présenter son action de parlementaire, et se seront vus demander leur perception sur quelque sujet que ce soit.
Vous êtes l’adversaire de Camille de Rocca Serra, au plan municipal en particulier, c’est un fait. Cependant, sur quoi critiquez-vous le parlementaire ?
En dehors de ce que j’ai affirmé précédemment, nous disposons tous d’indications précises sur son bilan, qui est très décevant. D’une part, son activité est très faible. Par exemple, il a posé cinq questions orales au gouvernement en cinq ans… De plus, elles ne concernent la Corse que de façon très minoritaire. Il a accordé bien plus de considération aux « avances financières données par l’État à certains de ses services »… D’autre part, il a été très peu écouté, alors même qu’il appartenait à la majorité parlementaire et soutenait le gouvernement. En 2011, il a envoyé neuf questions écrites au gouvernement, qui n’a daigné lui répondre que trois fois… Tout ceci est malheureusement très significatif de son implication et de son niveau d’influence. Les électeurs sont en droit d’attendre beaucoup mieux. Je m’engage aujourd’hui à leur offrir l’alternative attendue.
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