Il est le plus jeune candidat corse aux élections législatives de juin 2012. A seulement 24 ans, Petr’Anto Tomasi défend les couleurs de Corsica Libera dans la 2ème circonscription de Haute-Corse. Pourtant cet étudiant en droit public à l’Université de Corte n’est pas un novice en politique. Il a déjà participé à la campagne des municipales de 2008 à Bastia en tant que vice-président du comité de soutien de la liste Corsica Nazione et a été candidat aux élections territoriales de 2010 en 13éme position sur la liste Corsica Libera. Il explique, pour Corse Net Infos, les raisons de son engagement et la démarche de son mouvement dans ce scrutin.
– Pourquoi avez-vous décidé d’être candidat aux législatives ?
– C’est une étape d’un parcours militant. Je suis membre de l’exécutif de Corsica Libera depuis sa création. J’ai participé à l’ensemble de ses actions et de ses élections en étant candidat ou non. J’ai fait part de ma volonté de m’investir. J’ai été sollicité par les militants et par de nombreux Corses dans cette circonscription où je vis toute l’année puisque j’habite principalement sur Corte et je suis originaire de Casamaccioli au Niolu. Ma suppléante est Veronique Orsini, professeur de sciences économiques et sociales au lycée de Corte.
– N’êtes-vous pas un peu jeune pour une élection plus politique et moins facile qu’une élection municipale ou cantonale ?
– Je ne crois pas que ma jeunesse soit un handicap dans cette élection qui peut sembler complexe pour les Nationalistes et que nous avons, pendant plusieurs années, délaissée. Aujourd’hui, au regard de ce que représente notre message et notre discours au sein de la société corse, nous nous devions d’être présent pour continuer à porter cette dynamique qui a concrétisé l’espoir né lors des Territoriales où le mouvement nationaliste a réalisé un score sans précédent.
– La démarche nationaliste a donc évolué par rapport à cette élection ?
– La vocation de notre mouvement n’est certes pas de siéger à l’assemblée nationale française, ni de conforter ou de combattre la majorité présidentielle qui sortira des urnes.
Mais cette élection est une tribune extraordinaire pour porter nos revendications, faire progresser nos idées et enraciner véritablement notre démarche. Nous sommes confiants sur notre capacité à rassembler autour d’une solution politique au problème corse.
– En quoi consiste cette solution politique ?
– Elle s’articule autour d’une citoyenneté fondée sur dix ans de résidence qui aurait l’avantage, d’une part de faire baisser les prix de l’immobilier et donc de permettre aux Corses d’accéder à la propriété, d’autre part de faire baisser les enjeux liés à la spéculation immobilière et donc de lutter efficacement contre les dérives mafieuses de la société corse. Elle passe aussi par l’octroi d’un pouvoir législatif à l’assemblée de Corse, comme une première étape vers un processus politique qui, pour nous, doit aller jusqu’à l’indépendance. Elle propose également une réforme fiscale ambitieuse avec un transfert du produit des impôts payés par les Corses directement à la Collectivité territoriale, des réformes administratives, l’officialisation de la langue corse et une politique ambitieuse d’aménagement du territoire.
– Vos idées sont largement reprises par le président de l’exécutif de la CTC qui est, dans cette élection, votre adversaire. Ne craignez-vous pas qu’il vienne chasser sur vos terres ?
– Les Corses ont besoin d’entendre un discours de vérité et de clarté. Ils ont besoin de représentants qui ne changent pas d’avis au gré des circonstances politiques, qui ne subissent pas de pressions, électorales ou liées à l’urbanisme. Il y a aujourd’hui un rejet, une défiance vis-à-vis de manières archaïques de faire de la politique et de logiques qui n’ont pas permis à la Corse de se développer telle qu’elle le devrait. Nous avons toujours porté ces revendications qui, aujourd’hui, font partie du débat public et sont largement reprises par d’autres parce que nous avons décidé, au lendemain des Territoriales, de ne pas subir cette mandature, mais d’impulser les débats. Aujourd’hui, le temps des feuilles de route est révolu, il faut des actes, une révision constitutionnelle. Le meilleur moyen de l’obtenir est d’envoyer des signaux forts à Paris. Les Corses l’ont déjà fait lors des élections territoriales et cantonales et lors du référendum organisé à Sisco sur la question de la citoyenneté. Les Législatives doivent constituer une étape supplémentaire pour concrétiser cet espoir et ces réformes.
– On vous prête un électorat très jeune. Que répondez-vous ?
– Il y a effectivement un certain nombre de jeunes qui, historiquement, soutiennent notre démarche, mais nous comptons également des soutiens dans toutes les strates de la société et dans toutes les classes d’âge. Nous n’avons pas vocation à chasser sur les terres de la gauche et de la droite ou même sur l’électorat de nos amis autonomistes. Nous nous adressons aux Corses, à tous ceux qui ont fait le choix de la mouvance nationale, qui ont toujours été à nos côtés, nous leur demandons de continuer à l’être parce que nos idées avancent dans l’opinion.
– Mais cet électorat-là n’est pas suffisant !
– Nous nous adressons aussi à tous ceux qui ont franchi le pas en 2010 et ont voté nationaliste pour la première fois et à ceux qui n’ont jamais voté nationaliste, mais qui sont prêts à franchir le pas. Nous leur disons : Faites-nous confiance ! Ils savent qui nous sommes, ils connaissent notre discours, notre probité, notre volonté d’aller de l’avant et notre détermination.
– La revendication mortifère du FLNC peut-elle avoir un impact négatif sur vos résultats électoraux ?
– Non. Ni sur le vote de l’électorat, ni sur la démarche politique ! Nous n’avons pas à nous focaliser sur tel ou tel fait qui n’apporterait rien au débat. Pour nous, la question est de savoir si, dans un pays de 300 000 habitants en Europe Occidentale, il est normal que l’on dénombre, en une année, une trentaine d’assassinats et d’homicides, s’il est normal que des mères pleurent leurs enfants, que des enfants pleurent leur père? Non ! Au-delà du constat, il faut apporter des solutions, sérier les causes de ces violences qui se situent au moins à trois niveaux. Tout d’abord, la flambée des prix due à la spéculation immobilière : 2000 % en 10 ans selon les chiffres de la SAFER. Ensuite, cette spéculation a induit des comportements néfastes : les hommes ont perdu la tête. Enfin, ces dérives mafieuses prospèrent sur fond de trafic de drogue et de main mise sur des pans entiers de notre économie. La CTC ne dispose pas de pouvoir régalien pour lutter contre le grand banditisme, en revanche elle peut actionner des leviers, notamment en matière d’aménagement du territoire.
– Quels leviers ?
– La citoyenneté corse est en mesure de faire baisser les prix, donc de faire baisser les enjeux et de lutter efficacement contre les dérives mafieuses. Un PADDUC contraignant à l’égard des communes préserverait les maires de pressions urbanistiques et de corruption. La mise en place d’un organisme de contrôle et d’évaluation des politiques publiques, tel que nous le proposons, permettrait de faire la lumière sur les pratiques politiques en Corse et donc sur leur nécessaire moralisation. Cette proposition a reçu un écho favorable des élus de la Commission violence.
– Quelles sont les propositions promises par Corsica Libera sur la vie chère ?
– Une des propositions, qui faisait déjà partie des dix mesures d’urgence des Territoriales, est de faire la lumière sur les mécanismes conduisant à la détermination des prix en Corse, notamment au niveau de la grande distribution. Le prix des transports n’expliquant pas entièrement le différentiel existant avec les régions françaises, nous proposons la création d’une cellule, placée sous l’égide de la CTC, qui réunisse l’ensemble des professionnels de la grande distribution et les associations de consommateurs afin de modérer les prix.
– Mais, les prix sont libres. Que peut faire la CTC ?
– Elle dispose de moyens juridiques relatifs à l’installation et à l’agrandissement des grandes surfaces. Au vu de la population, trop de grandes surfaces s’installent en Corse. La politique des pouvoirs publics devrait d’avantage s’orienter vers les petits commerces en réfléchissant, notamment, à des dispositifs de zone franche en milieu rural. Dans certaines zones, ces commerces sont, aujourd’hui, menacés et constituent quasiment des services publics.
– Que pensez-vous de l’adoption par l’assemblée nationale des règles déterminant le PADDUC ?
– Ces règles nous satisfont sur un point : celui qui affirme, très clairement, que le PADDUC est opposable aux documents d’urbanisme des communes. A l’époque de l’élaboration du PADDUC première mouture, les élus de droite refusaient cette opposabilité. Il ne s’agit pas de retirer un pouvoir aux maires, mais simplement de coordonner la logique d’un développement que l’on veut harmonieux sur l’ensemble du territoire et surtout de préserver les maires, de pressions éventuelles et existantes en matière d’urbanisme.
– Si demain, vous êtes élu, quelle sera votre première action en tant que député ?
– Elle sera très simple. Au vu des aspirations des Corses, des débats en cours à la CTC et des mécanismes que nous estimons nécessaires pour sortir la Corse de la crise, nous proposerions une révision constitutionnelle. C’est le point de départ qui permettra l’institution de la citoyenneté corse conditionnant l’accès à l’immobilier et au foncier, l’inscription sur les listes électorales favorisant l’accès à l’emploi pour les Corses, l’officialisation de notre langue, une réforme fiscale ambitieuse et la dévolution d’un pouvoir législatif à l’assemblée de Corse.
– Vous dénoncez le manque de légitimité des listes électorales.
– Nous estimons qu’une personne de passage, un fonctionnaire qui vient ici pour deux ans, n’a pas à décider du destin de la Corse. C’est une réalité qui a été prise en compte en Nouvelle-Calédonien où le corps électoral est conditionné par une résidence de dix ans, qui est perdue si l’on quitte le pays. Il faut refondre les listes sur cette base-là.
– L’Europe peut s’y opposer ! C’est contraire au principe du droit de vote !
– Aux îles Aland, en Suède, des mécanismes, reconnus par l’Europe, limitent l’accession à la propriété sur la base de dix ans de résidence. Donc, que ce soit au niveau de la France ou de l’Union européenne, rien n’est rédhibitoire. Un certain nombre de pays, Malte par exemple, ont négocié leur entrée dans l’UE et disposent de conventions dérogatoires au droit européen.
– Quid de l’accès prioritaire à l’emploi ?
– En Polynésie et en Nouvelle Calédonie, on régule, en fonction des besoins, la part de l’emploi local et la part de l’emploi extérieur. Ce dispositif est prévu par la Constitution française et peut être acceptée par l’Union européenne dans le cadre de dispositifs dérogatoires. Ce n’est pas facile à obtenir, mais ce n’est pas impossible. La première étape est la révision de la Constitution française. La présence et un score important des Nationalistes aux élections législatives influeraient considérablement sur cette question et nous permettraient d’avancer sur cet objectif.
Propos recueillis par Nicole MARI
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