Clanisme, mafia et nationalisme
L’histoire du clanisme est liée à celle de la Corse. Face aux évolutions de l’époque moderne, comment s’est-il adapté ?
Depuis la conquête française, le clan a pallié l’effondrement des institutions juridiques corses, s’érigeant en institution officieuse, avec l’aspect de dégénérescence que comporte une situation figée. Le pouvoir français l’a utilisé en s’appuyant sur les traditions locales pour consolider son emprise, érigeant la corruption en système, hypothéquant même une partie de ses pouvoirs au profit des chefs de clans, meilleurs garants de l’ordre et exécutants des basses œuvres. Défendant ses prérogatives de la direction des affaires corses, le clan a servi de rempart à la culture et à l’identité corse.
Il a protégé la « corsité » de l’île, faisant obstacle aux évolutions, au modernisme, aux intrusions d’idées ou de modèles extérieurs, qui auraient pu affaiblir son pouvoir. Il a été un bouclier mais aussi une entrave. Cette néfaste politique d’assistanat du clan aidé par le soutien financier de l’Etat (toujours plus d’argent public) a réduit l’île à n’être qu’une zone de consommation, insérée dans les circuits commerciaux extérieurs et tributaire d’eux avec le poids des importations (peu de productions et d’exportations soutenues) d’où monoculture de la vigne, tout-tourisme et rôle de la finance internationale, spéculation foncière…
Avec la contestation moderne, la « corsité » s’est trouvée en contradiction avec la « corsitude ». Si la première était une manière d’être et d’apparaître corse, la « corsitude » (Rinatu Coti) implique une volonté d’exister en tant que Corse, que peuple corse. Avec l’émergence des idées autonomistes puis des nationalistes, ces clans sont contestés. Avec la remise en cause culturelle de son système de pensée implicite, de son idéologie, le clan est alors entré en crise. Représentant les pouvoirs publics, il est attaqué par ceux qui rejettent le pouvoir français (les fraudes, les politiciens escrocs, les bachagas au service d’une « politique colonialiste » dont ils sont accusés d’être les courroies de transmission). Pour les nationalistes, ils sont responsables de la situation, entretenant les Corses dans une mentalité d’assistés, les rendant dépendants de la Métropole. Avec le développement de la contestation, la désaliénation culturelle grandissante, le poids des médias dans le paysage politique et la vulgarisation d’un discours politique critique qu’il ne connaissait pas, le clanisme, bien que toujours présent, a marqué le pas.
Refusant de prendre en compte la dimension politique du problème, appliquant le droit commun de façon simpliste, niant la spécificité corse, les représentants de l’Etat dans l’île se heurtent aux mécanismes des clans et à leurs relais dans les administrations. Mais ils ne remettront pas en cause les relations entre clans, relais de la politique de l’Etat, et son administration appliquant sa politique dans l’île. Le pouvoir français, comprenant l’intérêt du système, l’a utilisé à son profit, favorisant la corruption, laissant les élus dispenser emplois et subsides (Ddass, Cotorep, Formation, Institutions diverses…véritables succursales électorales) d’où les limites de la politique de l’état de droit dont seuls les petits souffriront car ne bénéficiant pas de « protections politiques » (Préfet Bonnet avec sa fuite en avant, l’impasse, l’accumulation de fautes et l’échec toujours !).
Peut-on en donner une nouvelle définition ? Il semble même qu’il ait presque réussi à récupérer certaines thèses nationalistes. Qu’en pensez-vous ?
Issu du système féodal corse, le clan a toujours constitué une courroie de transmission entre le pouvoir colonial et ses administrés. Sa principale fonction économique et sociale dans une société corse traditionnelle était celle de « redistribution des richesses », de transferts d’assistance (pensions, places dans l’administration…). Un rôle social qui lui donnait une réputation de bienfaiteur au sein de la population, garantissant ainsi son pouvoir politique. L’Etat français s’est donc assis sur le non-développement, maintenant dans la dépendance des familles entières et permettant au clan de jouer son rôle social, tout en assurant sa pérennité. La reconstruction d’après-guerre, la croissance des années 1960, les divers schémas d’aménagement, les investissements publics préparant le tout-tourisme et d’autres multiples facteurs ont engendré la naissance d’une bourgeoisie locale. Celle-ci a su générer un capital commercial en s’intégrant dans l’aire de la société de consommation.
Au 19ème, le clan s’est construit à partir de la puissance financière, dans une île rurale et agricole, puis, les revenus étant de plus en plus liés aux transferts publics, l’enjeu pour lui a consisté à s’insérer, voire à contrôler les réseaux administratifs nationaux ou locaux, par lesquels transite ce flux.
L’identité corse se trouvant menacée par une intensification de l’exode avec l’arrivée massive de non-corses, le clan va s’adapter. Le clan traditionnel, va être concurrencé par un néo-clanisme moderniste, moins enraciné culturellement, et avec le déclin rural et le développement urbain, « plus citadin » qui se développera. Et auquel il va céder la place. Ses tenants, jeunes loups, technocrates pour la plupart, issus du sérail parisien, plus dangereux que leurs aînés, recourent à certains mécanismes anciens (distribution d’appareils ménagers, d’avantages pécuniaires aux électeurs.. et pratiques d’un autre âge) mais offrent un profil moderne et plus souple, perméable à certaines thèses et courants, pas que politiques, confortant leur assise.
Le passage de l’un à l’autre ne s’effectue pas sans heurts, mais constitue l’unique moyen de survie des structures clanistes, le clan traditionnel, frappé par les contradictions de croissance, étant voué à disparaître par les nouveaux rapports de production et de consommation. Si au départ la mutation fut difficile, et s’il fut durant des années à la traîne de nombreuses revendications populaires, on peut aujourd’hui se rendre compte que le « clan new-look » a montré sa capacité à s’emparer des nouveaux pouvoirs que la lutte nationaliste avait arraché, -les deux Statuts de la Corse, après qu’ ils s’y soient opposés, voient les clans MRG et droite se partager le pouvoir, y compris avec le Front National dans les années 80, alors que dans la ville de Bastia, le clan MRG domine avec le Parti communiste-, même si au départ, il avait semblé dépassé par les mutations en cours et le développement de la contestation. Ils n’hésitent pas aujourd’hui à reprendre bon nombre des idées nationalistes qu’ils ont durement combattues jusqu’alors pour les vider de leur contenu et les utiliser selon leurs intérêts particuliers en oubliant l’intérêt collectif corse. Les fils ont remplacé leurs pères et grands-pères, assurant la pérennité d’un système qu’on croyait mal en point avec le développement des idées corsistes puis nationalistes.
Pour la circonstance, on a camouflé cette rivalité sous d’apparentes oppositions (Processus de Matignon, ou aux éventuelles évolutions institutionnelles..) se positionnant aux Présidentielles en fonction des déclarations des candidats sur la situation politique corse. Car in fine le clan soutient traditionnellement le gouvernement en place (voir circonvolutions de la Droite corse lorsque Charles Pasqua, Ministre de l’Intérieur avait engagé des discussions avec le FLNC-historique : conf. de presse de Tralonca en 1996).
Vous avez, il a déjà 2 décennies, dénoncé la possible implantation de mafias dans l’île. Dans un scepticisme général. Aujourd’hui, de la gauche au FLNC récemment, tout le monde évoque ce péril. Comment en est-on arrivé là ?
En janvier 1990, un mouvement nationaliste, l’ANC, organisait, dans l’indifférence et l’incompréhension, une manifestation à Ajaccio pour dénoncer la dérive mafieuse de la société corse. Nombre d’intervenants s’inscrivirent en faux contre les craintes affichées lors de cette mobilisation. Selon eux, la mafia, – vocable ne pouvant que revêtir une entité d’origine étrangère à l’île-, n’était pas constituée en Corse et le péril n’était pas si présent, le mouvement national corse étant, si jamais était le cas, capable de l’empêcher, y compris par les armes, de déferler sur l’île. Vingt années se sont écoulées et aujourd’hui plus personne ne peut nier que le danger est bien là (récent débat sur la violence à l’Assemblée de Corse-déc. 2010). Rien n’a été fait pour le combattre et annihiler les graves menaces qu’il fait désormais peser sur la société corse. La « mafiosisation » de l’île est en cours.
Avec le développement du tourisme et de la spéculation, un nouveau clanisme apparaît. Il va s’infiltrer puis se transformer et risquer de connaître une dangereuse dérive vers un système mafieux. Car le clan, qui introduit un lien entre politique et avantages matériels, peut être contraint de se pervertir en système de type mafieux. Aujourd’hui, ce clan new-look, lui aussi de plus en plus victime des adaptations que la modernité lui impose, est obligé de composer avec ce péril qui menace toute la société corse, la dérive mafieuse et le danger d’une évolution à la sicilienne. Les faits divers criminels récents laissent malheureusement déjà entrevoir cette dramatique évolution, avec le rôle autrement dangereux et coercitif de la mafia. D’où la peur s’installe. Son implantation et son développement bouleversent les données du jeu politique, laissant planer une terrible menace sur l’avenir d’un patriotisme démocratique dans l’île. Son renforcement économico-politique introduit un élément imprévisible important, risquant de rendre difficile toute prévision globale sur l’avenir.
Aujourd’hui, de nombreux signes inquiétants soulignent que la côte d’alerte est atteinte. Une société parallèle s’est organisée, réalisant la jonction de la société civile avec des bandes organisées et une frange du monde politique aux mœurs corrompues. La classe politique insulaire incapable d’appréhender les véritables problèmes de société se contente de gérer au jour le jour, dilapidant l’argent public et intervenant tous azimuts prioritairement pour des problèmes individuels et des intérêts privés. Les interventions politiques, mais aussi les agissements troubles de la justice et de la police dans certaines affaires (apparition de la notion « secret défense » dans certains dossiers de justice) pour renforcer la répression anti-nationaliste ou la discréditer, la diviser ou l’affaiblir ne sont pas faites pour enrayer le processus. A tous les niveaux la corruption devient la règle et que les pratiques délictuelles s’institutionnalisent. Aujourd’hui, le problème de la mafiosisation est devenu central, et il compromet l’avenir de la Corse. En Sicile, la mise en place de « l’honorable société » a entraîné l’implosion des valeurs ancestrales et familiales et la dégénérescence des liens sociaux à tous les niveaux de la société (même les femmes et les enfants ne sont plus à l’abri).
La recrudescence de la violence est-elle liée à ce phénomène ? Et où se situe l’Etat sur cet échiquier ambigu ?
Dans les années 60, les contrecoups de la décolonisation africaine, la politique de spéculation agricole et touristique, l’avènement de la société de consommation ont enclenché des phénomènes psychologiques collectifs, frappant de plein fouet un monde traditionnel encore assez solide et solidaire pour y faire face. La montée de la grande délinquance dans l’île commence au début des années 80. Elle s’appuie sur certaines conditions objectives : la crise économique et son corollaire, la montée du chômage, surtout chez les jeunes, qui contrairement aux générations précédentes refusent de s’expatrier. Au fil des années, la lente déliquescence du monde traditionnel s’étant accélérée, les valeurs sécrétées par la société marchande ont peu à peu gangrené une société insulaire, dont le milieu du banditisme traditionnel, jusqu’alors étrangère à celle-ci et peu armée pour affronter une telle intrusion. Ces « nouvelles valeurs » ont fait imploser l’éthique traditionnelle sur fond de clientélisme, facteur d’assistanat (distribution d’emplois, de pensions, de subventions, d’aides sociales ou de passe-droits…). A cela s’est s’ajouté le statut d’impunité bénéficiant à certains, l’action de la justice et de la police étant axée sur la chasse aux nationalistes (Le Préfet de police Broussard, au début des années 80, tandis qu’une nouvelle génération de truands développait ses activités dans l’île en toute quiétude) permettant à cette gangstérisation de se développer avec d’autant de facilité.
Le clanisme a aggravé les choses. Clientélisme et assistanat ont favorisé l’éclosion d’une morale de l’argent roi. Certains comportements socioculturels comme « a spacca » ou « u buffu », goût de la représentation propre aux sociétés méditerranéennes et fascination de la marginalité si forte en Corse, ont fini de créer le terreau d’une nouvelle « morale », celle du « système D » et de l’argent facile. Ainsi, tandis que la paupérisation des Corses se poursuit (endettement, multiplication des conflits sociaux, exclusion, chômage…) les groupes financiers prolifèrent avec la bénédiction des banques, s’accaparant peu à peu la quasi-totalité du littoral, dans l’attente de mise en pratique de projets immobiliers spéculatifs monstrueux. Le tout-tourisme, source de profits immédiats et conséquents a donné à la pègre une possibilité « miraculeuse » de blanchiment d’argent sale. La pression exercée à différents niveaux, sur la « loi Littoral », même si l’on peut envisager des aménagements, est significative. Les interventions politiques étouffant certaines affaires criminelles, jamais élucidées, n’étant pas faites pour enrayer un processus générant une jeunesse désemparée, sans perspectives, sans formation, au chômage. Cette situation la rendant d’autant plus fragile et sensible à l’attrait de l’argent facile, elle va constituer un vivier où vient puiser pour ses basses œuvres la grande délinquance. Une délinquance juvénile se développe (manque d’avenir, de perspectives, de formation mais aussi dérives d’une certaine « jeunesse dorée » touchée par la drogue issue d’une classe de « nouveaux riches »). La conjonction de ces facteurs a permis le développement des fléaux de la drogue, de l’alcool et de la petite et moyenne délinquance.
Certaines affaires récentes, en révélant la collusion d’une frange de gens ayant pignon sur rue avec des malfrats, a révélé au fil des ans l’ampleur prise par le phénomène. Toutes ses conditions ont entraîné le développement du grand banditisme avec la progression du trafic de drogue, une multiplication des hold-up et un racket en tout genre. Le développement anarchique du tout-tourisme, source de profits immédiats, a permis au milieu le réinvestissement et le blanchiment de l’argent des revenus illicites et entraîné l’apparition d’un néo-clanisme affairiste et ambitieux, rêvant de zones franches et d’investissements de toutes origines, car l’argent n’a pas d’odeur. Se disant volontiers réformateur, le néo-clanisme, représenté dans les institutions, qui utilise à profusion les deniers publics, va servir de support à une mafiosisation en cours. Dans le même temps, on va assister à une implication de plus en plus importante du milieu et de la voyoucratie dans le monde économico-politico-légal avec la mise en place progressive par des bandes organisées d’un réseau de relations et d’alliances avec les détenteurs du pouvoir institutionnel, politique et économique, avec prestations réciproques. Cet échange de bons procédés contamine tous les rapports sociaux. Tout ceci avec l’accord tacite de l’Etat et des autorités, qui laissent faire, jouant les ponce-Pilate, quand certaines pratiques dans certains cercles policiers ne jouent pas les apprentis-sorciers jouant les uns contre les autres dans la guerre du milieu, la priorité semblant toujours d’affaiblir ou de discréditer la contestation nationaliste, se donnant bonne conscience en arrêtant de temps en temps quelques petits malfrats. Il serait intéressant qu’une commission d’enquête parlementaire se penche sur les activités de certains réseaux policiers et judiciaires parisiens dans l’île. L’important développement des réseaux maçonniques dans l’île depuis les années 80, attirant en leur sein nombre « d’affairistes » issus de toutes les mouvances politiques et leur rôle dans certains dossiers de justice ou d’investissements immobiliers, ne peut aussi qu’interpeller un observateur averti sur les évolutions en cours.
La corruption se généralisant, les pratiques délictueuses deviennent monnaie courante et gangrènent toute la société corse. Les exemples Sicilien, Calabrais ou Napolitain, où la mafia imposant ses règles du jeu, a enterré la revendication sociale, doivent faire réfléchir. Ils sont d’autant plus inquiétants que la construction européenne a d’évidentes répercussions sur les évolutions en cours, avec une réorganisation du marché de la drogue pour la mafia, en liaison avec l’extension à l’Est. Avec les Pays-Bas, ultralibéraux dans ce domaine, l’axe méditerranéen, passant par la Corse, est l’une de ses marches importantes. Greffée sur la crise générale induite par les mutations du XX1éme siècle, la déstructuration engendrée par le passif colonial menace désormais l’île d’implosion, à plus court terme que l’on ne l’imagine, si rien n’est fait. La rupture du tissu communautaire, traduite par une détérioration des rapports sociaux et familiaux, s’accroît. Les symptômes de mal-être se développent (toxicomanie, alcoolisme, suicides, dépressions…). La délinquance devient un phénomène de société très alarmant. Elle trouve un terreau favorable dans une île contrainte par son sous-développement à vivre dans la marge, voire la combine, victime d’un fort chômage affectant surtout les jeunes et les femmes, et déstabilisée par l’irruption d’une société de loisirs imposée à travers le prisme déformant d’un tourisme anarchique. La Corse vit de deux mois de tourisme et le chômage, même camouflé par un « tripatouillage » des chiffres et statistiques officielles, est important. Dans la société ne survivent que les activités liées au tourisme (et au BTP) et quelques entreprises en cheville avec certains élus et une administration technocrate dont l’action consiste seulement à leur arracher en priorité des parts du marché public pour leur procurer des deniers publics. Ce système leur permet alors de se prévaloir de cet argent public pour négocier des contrats avec des sociétés internationales de la finance, en s’imposant comme intermédiaires, hommes de paille ou sous-traitants de celles-ci, pour leur permettre ainsi de s’implanter dans l’île.
Existe-t-il une alternative possible ? Et celle-ci passe-t-elle par l’émergence d’un projet collectif corse ?
Malgré les évolutions politiques en cours, malgré le regain de dynamisme se manifestant au plan culturel, l’île connaît un malaise sans précédent et tous les projets pouvant être proposés risquent d’être voués à l’échec, car la société corse est de plus en plus proche de l’explosion, politique ou sociale. La situation est catastrophique. Et l’alternative est claire. Le pourrissement actuel, en tout état de cause, ne peut que provoquer à terme, soit une réaction de survie grâce notamment à la mise en place d’une alternative politique capable de juguler la crise, soit l’instauration progressive « d’une nouvelle société » de type mafieux.
Des bandes armées de plus en plus organisées et structurées se développent. Si elles peuvent en arriver en toute impunité à faire pression sur les élus, le système mafieux s’installerait. Il ne leur resterait plus alors qu’à se mettre en place, éventuellement avec des « couvertures » politiques, et la mise en coupe réglée de la société corse serait menée à terme. Les mécanismes qui ont joué ailleurs sont en place. Ils ont déjà produit leur effet dans le « Mezzogiorno italien » et les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, l’avenir est plus qu’inquiétant.
Le péril est grave de voir des individus, des groupes s’organiser sur des modèles déjà vus ailleurs, mettant en place des organisations criminelles structurées opérant la jonction entre les rares secteurs économiques, l’administration et certains milieux politiques pour se partager des « territoires » et développer leurs activités délictueuses. Les ingrédients sont multiples : des bandes dont les méfaits emplissent les journaux de faits-divers, quant ils sont connus et publiés, un fort chômage facilitant le recrutement d’hommes de main prêts à tout pour quelques francs, une société sans perspectives, la perte des valeurs ancestrales, une classe politique discréditée, un Etat peu soucieux de moralisation, car touché par de nombreuses affaires (et plutôt enclin à la répression contre les nationalistes) une économie tributaire du tout-tourisme, une population minée par un assistanat séculaire érigé en système, n’aspirant qu’aux mannes de l’Etat, de la Région, du Département, ou de l’Europe…
L’absence d’un Projet collectif pour la Corse de demain fait cruellement défaut. La société corse a perdu ses repères, ses valeurs. Les dérives se développent inexorablement. Il est vital désormais de saisir l’importance des enjeux, en donnant au peuple corse des perspectives véritables.
Quelle pourrait être la place du nationalisme dans ce projet ?
Le « nationalisme corse » constitue une démarche politique de grand intérêt, mais il doit comprendre que la seule transformation des structures économiques de domination ne suffit pas à opérer les conditions d’un véritable changement de société, si l’on ne s’attaque pas d’abord à l’emprise de l’idéologie ultralibérale dominante. D’autant que même le mouvement nationaliste, plus ou moins manipulé de Paris par le biais de certains de ses responsables, s’est perdu durant des années dans les errements.
Les nationalistes pour ébranler le système, se trouvent confrontés, au-delà des appétits des nouveaux clanistes, à un certain nombre de dangers et de travers inhérents au système politique corse, à l’exemple de participations « officieuses » à certaines élections. Etre nationaliste, autonomiste ou de gauche n’empêche pas de voter « pour la famille », ou aujourd’hui pour un quelconque candidat en fonction d’un futur « renvoi d’ascenseur »….
Aujourd’hui, le danger est grand car si les organisations criminelles réussissent à s’infiltrer aussi dans des organisations nationalistes, ou s’entendre avec certains secteurs de la clandestinité corse qu’elles auraient « gangrenés » , elles pourront alors dans une perspective plus large, à l’instar de la Sicile, se constituer en sorte de « coupole » et accentuer leur emprise sur l’île, contrôlant toute la société à leur seul profit.
D’où la nécessité réaffirmée des nationalistes et des défenseurs d’une certaine idée de la Corse, de sa culture, de ses valeurs, d’être à la hauteur des enjeux imposés. Pour cela deux obligations face à l’histoire et au peuple qu’ils sont censés défendre, veiller à refuser tout comportement et toute dérive claniste en son sein, et offrir des perspectives claires d’avenir en se démarquant de cette mafiosisation de la société dont l’ultralibéralisme (avec la politique du tout-tourisme) fait le lit en veillant à ne prêter le flanc à aucune infiltration ou manipulation d’où qu’elle vienne.
Jacques Renucci pour La Corse Votre Hebdo / Pierre Poggioli
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